Élections aux Philippines : Un tournant pour les relations avec le Canada ?

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Le 12 mai prochain, les électeurs éliront les 317 membres de la Chambre des représentants et 12 des 24 sièges du Sénat dans des élections de mi-mandat où se dessine une guerre par procuration entre le camp du président Ferdinand « Bongbong » Marcos et celui de sa vice-présidente, Sara Duterte.

Avec une course qui s’annonce serrée et un paysage politique de plus en plus polarisé, l’élection présidentielle de 2028 se profile à l’horizon des élections de mi-mandat. Alors que le camp Duterte positionne déjà Sara comme la successeure de Marcos, un Sénat pro-Marcos pourrait porter un coup dur aux plans du clan Duterte.

En effet, Sara Duterte a été destituée par la Chambre des représentants en février dernier, après avoir déclaré s’être entretenue avec un tueur à gages pour assassiner Marcos si celle-ci était tuée. Après les élections de mi-mandat, le Sénat devra décider s’il entérine la destitution ou non, ce qui rendrait Sara Duterte inéligible pour les élections présidentielles de 2028.

L’issue de ces élections pourrait bien avoir des répercussions sur les liens que le Canada entretient avec ce pays. Alors que Duterte avait adopté une position plus favorable à la Chine, Marcos, lui, a renforcé les relations entre les Philippines et l’Occident, dont le Canada. L’issue des élections pourrait avoir un impact sur l’influence potentielle que pourrait exercer notre pays dans la région : les Philippines sont un partenaire clé du Canada en Asie du Sud-Est.

Rapprochement avec le Canada sous Marcos

Depuis que Bongbong Marcos a succédé à Rodrigo Duterte à la présidence des Philippines en mai 2022, les relations avec les États-Unis et le Canada se sont nettement améliorées. Marcos s’est avéré être un allié important ainsi qu’un critique acerbe de la Chine.

Par exemple, sous sa présidence, Manille et Washington ont intensifié leur coopération militaire face aux prétentions chinoises en Mer de Chine méridionale, théâtre de plus en plus fortes confrontations entre la Chine et les Philippines.

De son côté, Ottawa a partagé, en 2023, ses données satellitaires à Manille dans le cadre du programme de détection de navires clandestins1. Ce dispositif permet aux Philippines d’identifier les navires ayant désactivé leurs dispositifs de transmission de position, principalement les garde-côtes chinois se livrant à des activités illégales dans les eaux des Philippines. L’an dernier, Manille et Ottawa ont aussi conclu un protocole d’accord pour la coopération en matière de défense2 et ils ont accru leur participation à des activités multilatérales de coopération maritime dans la zone économie exclusive des Philippines avec des alliés, tels que le Japon, l’Australie et les États-Unis.

Une porte d’entrée sur l’Indo-Pacifique

Les Philippines constituent ainsi une porte d’entrée importante pour un engagement plus important du Canada dans la région, conformément à la Stratégie Indo-Pacifique du Canada. Ce rapprochement avec des alliés d’Asie s’avère crucial dans un contexte d’imposition de tarifs de Washington, Ottawa doit, plus que jamais, diversifier ses partenaires commerciaux.

Avec un commerce bilatéral s’élevant à 3,4 milliards de dollars et un engagement commun à maintenir un ordre international fondé sur des règles, les Philippines et le Canada ont tout intérêt à maintenir une solide collaboration à l’issue de ces élections. La plus grande mission commerciale du Canada s’était d’ailleurs conclue aux Philippines en décembre dernier, amorçant les discussions sur un accord de libre-échange bilatéral.

Le pivot vers la Chine de Duterte

Toutefois, le clan rival, incarné par Sara Duterte, la fille de l’ancien président, n’a pas des relations aussi prometteuses avec le Canada. En 2019, Rodrigo Duterte avait menacé de déclarer la guerre au Canada, après l’envoi de déchets étiquetés comme recyclables, un incident qui a marqué l’un des points les plus bas dans les relations bilatérales. Les tensions étaient déjà palpables au sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est de 2017, lorsque Justin Trudeau avait dénoncé les violations des droits de la personne liées à la guerre contre la drogue menée par Duterte.

Sous la présidence de Rodrigo Duterte, les Philippines avaient renforcé leurs liens diplomatiques et commerciaux avec la Chine. Au cours des derniers jours, les autorités des Philippines ont d’ailleurs dénoncé l’interférence étrangère chinoise dans la campagne électorale, dont les campagnes de désinformation visent à miner la confiance envers l’administration de Marcos et à accentuer les divisions politiques.

Dans un contexte géopolitique de rivalité sino-américaine, l’issue de ces élections de mi-mandat, où se dessine une rivalité par procuration entre le clan de Marcos et des Duterte auront des répercussions sur l’alignement géopolitique du pays, et par conséquent sur les engagements économiques et stratégiques du Canada avec les Philippines.

 

Cet article d'opinion a été publié pour la première fois dans La Press le 10 mai 2025.

The views expressed here are those of the author, and do not necessarily represent the views of the Asia Pacific Foundation of Canada.

Alexandre Veilleux

Alexandre Veilleux is a doctoral candidate in political science at the University of Montreal and graduate in sustainable territorial development from KU Leuven University in Belgium. APF Canada's Advisor, Research & Communications (Quebec), his research focuses on the investments of multinationals in the tourism sector in Southeast Asia and their impact on the objectives of sustainable development. He specializes in issues of political economy, global governance and sustainable development.

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