La Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique (SIP), un effort qui interpelle l’ensemble de la société pour guider les actions et l’ambition dans une région responsable du tiers de l’activité économique du monde entier, a eu deux ans hier.
Au cours de sa courte vie, cette stratégie ambitieuse de 2,3 milliards $ CA a surmonté des disputes diplomatiques dramatiques, un examen minutieux des dépenses de défense et des tensions dans le détroit de Taïwan et en mer de Chine méridionale, et a accéléré les progrès du Canada en matière de commerce, de sécurité et d’engagement diplomatique dans la région.
Deux ans le lancement de la stratégie, l’Asie-Pacifique continue d’abriter certaines des économies les plus importantes et la croissance la plus rapide du monde. Cependant, les prévisions de croissance fulgurante de la région se sont atténuées ces derniers temps. S&P Global a revu à la baisse ses prévisions du taux de croissance réel du PIB de la région (sauf pour la Chine) à 4,2 % en 2025, soit une baisse de 0,7 % par rapport à 2023.
Les bilans de la mise en œuvre d’Ottawa sont utiles pour mesurer les réussites et les revers de la SIP, notamment en raison des barrières tarifaires imminentes, des conflits potentiels et des facteurs démographiques qui menacent de saper une partie du dynamisme de la région.
En matière de commerce, une porte s’ouvre et une autre se referme
Le commerce du Canada avec l’Indo-Pacifique est en plein essor. En 2023, le commerce de marchandises avec la région était évalué à 257 milliards $ CA, soit une hausse de 13,7 % par rapport aux 226 milliards $ CA en 2021.
La récente conclusion des négociations en vue d’un accord de partenariat économique global entre le Canada et l’Indonésie est une victoire pour Ottawa. Si un accord commercial est finalement conclu avec l’ANASE, le Canada sera lié à 17 des 26 économies de l’Indo-Pacifique par des accords commerciaux ou d’investissement.
Dans le cadre de la SIP, Ottawa a nommé un envoyé à l’Indo-Pacifique et un représentant du commerce avec l’Indo-Pacifique. Les missions commerciales d’Équipe Canada ont été relancées, et une mission se rendra en Indonésie et aux Philippines la semaine prochaine, puis en Australie en février. Le gouvernement fédéral a également ouvert le premier Bureau d’Agriculture et Agroalimentaire dans la région à Manille plus tôt cette année.
Des défis se sont toutefois posés. Le Canada et l’Inde ont interrompu leurs négociations en vue d’un accord commercial préliminaire en septembre 2023 en raison de tensions diplomatiques. L’adhésion du Canada à l’Accord de partenariat pour l’économie numérique avec la Nouvelle-Zélande, Singapour, la Corée du Sud et le Chili reste également en suspens.
La SIP a affecté 750 millions $ CA à FinDev Canada, l’institution de financement du développement bilatéral du Canada. Deux ans plus tard, FinDev n’a conclu aucun partenariat avec des clients de l’Indo-Pacifique, ses projets se limitant à l’Afrique, à l’Amérique latine et aux Caraïbes.
Le Canada sur la défensive
La SIP a donné un nouveau souffle à l’engagement d’Ottawa en matière de défense et de sécurité dans la région. Le Canada a organisé des réunions des ministres de la Défense et des Affaires étrangères avec la Corée du Sud, établi un partenariat avec l’Australie pour la défense contre les nouvelles menaces de missiles, renforcé sa présence navale dans la région indo-pacifique (notamment en augmentant son nombre de passages dans le détroit de Taïwan) et intensifié sa coopération militaire avec le Japon.
Ottawa a également créé récemment un Commandement Cyber et a envoyé des cyberattachés à Canberra, Séoul, Singapour, Taipei et Tokyo.
Certains alliés, cependant, semblaient se concentrer sur les résultats : au cours de cette dernière année, Ottawa a été critiquée pour ne pas avoir dépensé l’équivalent de 2 % de son PIB dans la défense, ce qui est la norme de l’OTAN.
Dans le cadre de la récente mise à jour de la politique de défense d’Ottawa, le gouvernement fédéral a mis de côté au moins 60 milliards $ CA pour 12 sous-marins avancés. Une entreprise sud-coréenne, Hanwha Ocean, est une « candidate de poids » pour ce contrat, qui prévoit que le premier sous-marin sera prêt d’ici 2035.
Le ministre de la Défense Bill Blair a affirmé que le Canada atteindrait le seuil de l’OTAN d’ici 2032, ce qui pourrait ne pas rassurer les législateurs sceptiques américains et européens.
Compétition avec la Chine
Le Canada a choisi de coopérer avec la Chine, qu’il a qualifiée de « puissance mondiale de plus en plus perturbatrice » en 2022.
Le Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal a été un rare exemple de collaboration entre le Canada et la Chine. Adopté en 2022 lors d’une conférence présidée par la Chine et organisée par le Canada, ce Cadre vise à « arrêter et inverser la perte de la nature ».
Les visites et les discussions de haut niveau ont également augmenté entre les deux pays, les ministres canadiens des Affaires étrangères, de l’Agriculture et de l’Environnement s’étant tous rendus en Chine depuis 2023.