Le discours « dur mais juste » de Hegseth lève le voile sur la politique américaine en Asie

Le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, a apaisé certains alliés de la région indo-pacifique, en a réprimandé d’autres et a critiqué la Chine dans un discours prononcé lors de la conférence Shangri-La Dialogue à Singapour, samedi dernier. Il a averti les participants qu’une invasion de Taïwan « pourrait être imminente » et reconnu que les États-Unis « restent en contact avec leurs alliés et leur donnent du pouvoir, parfois de façon sévère, mais juste ».

Cette allocution de 4 700 mots, la vision la plus détaillée de l’Indo-Pacifique présentée jusqu’à présent par un membre de l’administration « Trump 2.0 », met en lumière les priorités de Washington dans la région : maintenir le « statu quo » en Asie, pousser les alliés à dépenser davantage pour la défense, reconstruire les bases industrielles de défense et dissuader la Chine d’envahir Taïwan.

M. Hegseth, qui en est à sa deuxième visite dans la région, a déclaré aux participants : « Je reviendrai encore et encore », ajoutant que « les États-Unis sont [...] là pour de bon ». Son ton direct, mais quelque peu encourageant, contrastait avec le discours prononcé en février par JD Vance lors de la Conférence sur la sécurité de Munich. Le vice-président américain avait alors sermonné (et, selon certaines sources, « stupéfié ») quelques participants européens.

M. Hegseth a déclaré à Singapour que « personne ne devrait douter de l’engagement des États-Unis envers leurs alliés et partenaires indo-pacifiques », ce qui rassurera notamment l’Australie, le Japon, les Philippines, l’Inde et Taïwan. M. Hegseth s’est montré moins tendre envers les membres de l’ANASE, critiquant implicitement le bloc en affirmant que « la dépendance économique envers la Chine [...] renforce l’influence néfaste [de Beijing] et complique notre marge de manœuvre en matière de défense en période de tension ».

L’impression d’ouverture laissée par M. Hegseth contraste avec les droits de douane généralisés, la ligne dure dans les négociations et le démantèlement de l’aide étrangère américaine adoptés par l’administration Trump dans un climat qui sape la crédibilité de Washington et déstabilise les partenaires que M. Hegseth tente justement de rassurer.
 

Macron envisage une collaboration accrue avec l’Asie

Le président français Emmanuel Macron a prononcé le discours d’ouverture de la conférence, appelant à une coalition entre les partenaires européens et asiatiques afin de maintenir l’ordre international fondé sur des règles et d’éviter d’être contraints par les États-Unis ou la Chine d’adopter certaines politiques. M. Macron a également souligné le potentiel d’un partenariat économique entre l’ANASE, les 12 membres du PTPGP et l’UE.

Le discours de M. Macron contrastait avec les commentaires de Kaja Kallas, haute représentante de la Commission européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui a présenté une vision plus critique de la Chine, soulignant les divisions au sein du bloc à quelques semaines du sommet UE-Chine.
 

La Chine boude la conférence, le Canada envoie une représentante

Le nouveau ministre canadien de la Défense, David McGuinty, n’a pas assisté à la conférence Shangri-La Dialogue, mais y a délégué sa vice-ministre, Stefanie Beck. M. McGuinty a toutefois prononcé une allocution dans le cadre d’un événement sur la défense et la sécurité à Ottawa.

M. McGuinty a déclaré que la Chine « [manifestait] de plus en plus ouvertement ses ambitions impériales, par sa militarisation et son attitude ferme à l’égard d’autres puissances mondiales. » Il a signalé que, dans l’Arctique, « nos adversaires montrent peu d’hésitation à défier la souveraineté territoriale du Canada », et fait allusion à une « stratégie industrielle de la défense à venir ».

En 2024, la conférence Shangri-La Dialogue a été le théâtre de la première rencontre entre les ministres de la Défense canadien et chinois depuis plus de dix ans. Cette année, Beijing a refusé d’envoyer son chef de la défense, préférant dépêcher un groupe « discret » issu d’une académie militaire chinoise.