Le président taïwanais, Lai Ching-te, a dévoilé, la semaine dernière, un budget de défense supplémentaire de 40 milliards $ US, liant pour la première fois explicitement l’augmentation des dépenses à la montée des menaces militaires de Beijing.
Le Yuan exécutif de l’île, ou le cabinet, a donné son feu vert à la proposition, qui constituerait l’expansion de la défense la plus importante de Taïwan en milieu d’année depuis plus d’une décennie et porterait les dépenses militaires à 5 % du PIB d’ici 2030. Depuis 2016, les dépenses de défense de Taïwan oscillent entre 2 et 2,5 % du PIB.
Selon le Taipei Times, ces nouvelles dépenses de défense permettraient la construction d’un « T-Dome », un soit un système de défense aérienne doté de capacités de détection et d’interception de haut niveau. Parmi les autres priorités budgétaires figurent les programmes taïwanais de drones et de lutte anti-drones, un système d’alerte précoce élargi pour suivre les aéronefs et les navires chinois, le renforcement des unités de cybersécurité et de « guerre de l’information », et les acquisitions d’armes auprès des États-Unis.
Dans une tribune publiée dans le Washington Post, M. Lai a présenté l’investissement proposé – qui s’étendrait de 2026 à 2033 – comme un moyen de dissuader l’agression par la préparation.
Cependant, mercredi, le Kuomintang (KMT), parti d’opposition, et le Parti populaire taïwanais ont empêché que le budget de la défense ne soit examiné par le Yuan législatif cette semaine. Le chef de file du groupe parlementaire du KMT a demandé à M. Lai de s’adresser à l’assemblée législative et de justifier ces dépenses.
Si ces nouvelles dépenses sont éventuellement approuvées, elles pourraient aider Taïwan à accélérer la conclusion d’un accord commercial et tarifaire avec les États-Unis. Les exportations de Taïwan, hormis les semi-conducteurs, demeurent assujetties à un tarif douanier américain de 20%; Taipei cherche à le faire baisser à 15%. Les principaux concurrents de Taïwan, le Japon et la Corée du Sud, ont déjà finalisé des accords avec Washington.
Le mardi, dans une bonne nouvelle pour Taipei, le président américain Donald Trump a promulgué la « Taiwan Assurance Implementation Act », qui oblige le Département d’État à « revoir et à rendre compte » de ses directives adressées aux agences fédérales concernant les relations américano-taiwanaises au moins tous les cinq ans. Le texte a été adopté à la Chambre des représentants par vote à main levée et a obtenu l’unanimité au Sénat.
Tumulte à Taïwan de Takaichi
La défense de Taïwan est au cœur d’un conflit de plus en plus tendu entre la Chine et le Japon. Le différend, déclenché le 7 novembre par les propos du premier ministre japonais, Takaichi Sanae, selon lesquels une invasion chinoise de Taïwan constituerait une « situation menaçant la survie » du Japon, perdure depuis un mois.
Beijing a interdit les importations de fruits de mer japonais, conseillé à ses citoyens d’éviter de voyager au Japon et reporté la sortie de films japonais, entre autres mesures. Par ailleurs, mardi, des navires des garde-côtes chinois et japonais ont échangé des avertissements en mer de Chine orientale. Le ministre des Affaires étrangères taïwanais a déclaré, mardi, que les relations sino-japonaises pourraient mettre « peut-être un an à se stabiliser ».
Un appel la semaine dernière entre Mme Takaichi et M. Trump concernant la Chine et le commerce a encore compliqué la situation : aucun des deux gouvernements n’a publié de compte rendu, mais le Wall Street Journal a rapporté que Trump « a conseillé [à Takaichi] de ne pas provoquer Beijing sur la question de la souveraineté de Taïwan », de peur de faire dérailler une détente commerciale fragile entre la Chine et les États-Unis. Tokyo a rejeté cette interprétation de l’appel.
Malgré les turbulences diplomatiques, les perspectives parlementaires de Mme Takaichi se sont améliorées la semaine dernière : trois membres de la chambre basse ont dissous leur groupe parlementaire et se sont joints au Parti libéral-démocrate (PLD) de Takaichi, donnant à sa coalition une majorité très mince. (Le PLD ne dispose cependant pas de la majorité à la chambre haute.)