À Tianjin, Xi Jinping propose un nouvel « ordre mondial » aux côtés de Narendra Modi et de Vladimir Poutine

En fin de semaine dernière, le président chinois Xi Jinping a accueilli environ 20 dirigeants de toute l’Eurasie à l’occasion du 25e sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï (SCO), qui s’est déroulé dans la ville portuaire de Tianjin.

Ce sommet de deux jours a réuni des dirigeants et des représentants de 10 États membres de la SCO, y compris l’Inde, le Pakistan et la Russie, et des invités du Cambodge, de l’Indonésie, du Laos, de la Malaisie, du Vietnam et d’autres pays.

L’événement constituait une victoire diplomatique pour le président Xi, qui s’en est servi pour positionner la Chine comme une partenaire fiable et une défenseuse du multilatéralisme, malgré les preuves du contraire (p. ex. son rejet de la CNUDM et ses sanctions économiques contre plusieurs pays, y compris le Canada). Le communiqué du sommet, adopté à l’unanimité, condamne les « mesures économiques coercitives unilatérales », un clin d’œil aux tarifs douaniers des États-Unis, et confirme l’élargissement des compétences de la SCO qui comprendraient maintenant, en plus de la sécurité, le développement et le commerce.

Les dirigeants ont également convenu de mettre sur pied une banque de développement de la SCO. Beijing a d’ailleurs offert une aide allant jusqu’à 280 millions $ US sous forme de subventions d’aide ainsi que des prêts d’une valeur totale de 1,4 milliard $ US aux membres de la SCO. Selon un document de fond publié par le ministère des Affaires étrangères chinois, la Chine a également proposé une nouvelle « initiative pour la gouvernance mondiale » en vue de « favoriser l’établissement d’un système de gouvernance mondiale plus juste et plus équitable ».

La structure et les objectifs de cette initiative pour la gouvernance mondiale sont encore vagues, mais celle-ci accorderait la priorité à la « souveraineté », à la « primauté du droit » et au « multilatéralisme » et s’ajouterait à l’initiative pour le développement mondial, à l’initiative pour la sécurité mondiale et à l’initiative pour une civilisation mondiale de la Chine, qui ont toutes été lancées par Xi Jinping au cours des cinq dernières années. Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois a indiqué aux journalistes que l’initiative pour la gouvernance mondiale était le « point culminant » du sommet Tianjin, ce qui est très révélateur.

Pour l’instant, un « ordre mondial » dirigé par la SCO demeure hors de portée, puisque l’organisation n’a pas encore de portée mondiale (ni ordonnée). D’autres membres de la SCO, l’Inde et le Pakistan en l’occurrence, ont procédé à des frappes de missiles et à des attaques de drones aussi récemment qu’en mai, tandis que les relations entre l’Inde et la Chine, des rivaux de longue date, viennent à peine de s’améliorer.     

Le « groupe des cinq de Shanghaï », fondé en 1996, était le prédécesseur de la SCO. L’organisation a adopté sa forme actuelle en 2001, lorsque l’Ouzbékistan s’est ajouté à la liste des membres.

 

Un jeu qui se joue à deux 

À Tianjin, une rencontre entre Narendra Modi et Xi Jinping– la première en sol chinois depuis sept ans – a volé la vedette dimanche. M. Modi a confié à son homologue qu’il était « déterminé à faire progresser leurs relations dans un esprit de respect mutuel et de confiance et conformément aux sensibilités de chacun », alors qu’un média d’État chinois a rapporté que le président Xi estimait que les relations bilatérales avaient le potentiel d’être « stables et d’avoir une grande portée ». « Le dragon et l’éléphant peuvent jouer ensemble, » a ajouté Xi Jinping.

Bien que le ton des pourparlers était positif, la rhétorique représente une « réinitialisation » tactique plutôt qu’un virage stratégique complet. Cette réinitialisation, officiellement amorcée lors de la rencontre entre Xi Jinping et Narendra Modi en novembre, précède la rupture des relations entre l’Inde et les États-Unis qui a eu lieu cet été, au lieu de tenir compte de la politique d’« autonomie stratégique » de l’Inde (c.-à-d. préserver l’indépendance du pays au lieu de prendre parti).

Il subsiste cependant d’épineux problèmes dans la relation entre la Chine et l’Inde, y compris des désaccords en ce qui concerne la frontière commune des deux pays, la gestion de l’eau, l’appui de la Chine au Pakistan ainsi que les préoccupations de l’Inde concernant son déficit commercial de 99,2 milliards $ US avec la Chine. Il semble également que les deux pays ne sont pas encore sur la même longueur d’onde, puisqu’un communiqué chinois portant sur la rencontre affirme que Xi Jinping a abordé l’importance d’un « monde multipolaire », tandis qu’un communiqué indien met plutôt l’accent sur une « Asie multipolaire ». Cet écart dans la terminologie sous-entend que l’Inde ne veut pas d’une hégémonie en Asie, tandis que la Chine semble se considérer comme cette puissance hégémonique.

Après la rencontre entre le premier ministre Modi et le président Xi, Donald Trump a indiqué sur les médias sociaux que le commerce avec l’Inde était un « désastre unilatéral », tandis que son conseiller en commerce, Peter Navarro, a indiqué qu’il était « honteux de voir Modi prendre la main des deux plus grands dictateurs au monde. »

Takes two to tango

In Tianjin, a Sunday meeting between Modi and Xi — the first one on Chinese soil in seven years — took centre stage. Modi told Xi that he was “committed to progressing our relations based on mutual respect, trust, and sensitivities,” while Chinese state media reported that Xi noted bilateral relations had the potential to be “stable and far-reaching." “The dragon and the elephant can dance together,” Xi added.

While the tone of the talks was positive, the rhetoric represents a tactical 'reset' rather than a wholesale strategic shift. This reset, formally initiated at a Xi-Modi meeting in November, predates this summer’s rupture in India-U.S. relations, instead reflecting India’s policy of ‘strategic autonomy’ (i.e. maintaining independence and not taking sides).

Thorny problems persist in the China-India relationship, however, including disagreements over the countries’ shared border, water management, China's support for Pakistan, and India’s concern over its US$99.2-billion trade deficit with China. What’s more, the two aren’t yet on the same page: a Chinese readout of the meeting said Xi noted the importance of a “multipolar world,” while an Indian readout emphasized, instead, a “multipolar Asia.” The variance in language suggests India has no desire for a hegemon in Asia, while China presumably sees itself as that hegemon.

After the Modi-Xi meeting, Trump said on social media that trade with India was a “one-sided disaster,” while his trade adviser, Peter Navarro, wrote that it was “a shame to see Modi getting in bed with the two biggest authoritarians in the world.”