China and Taiwan flags on red umbrellas

Les candidatures de la Chine et Taïwan au PTPGP : Enjeux et implications : Mise à jour

Depuis la co-publication de notre article sur ce sujet par la Fondation Asie Pacifique du Canada et l’Institut canadien des affaires mondiales en novembre 2022, plusieurs évolutions du PTPGP méritent d’être signalées. Le plus important est l’adhésion du Royaume-Uni en juillet 2023. Lors de la septième réunion de la Commission du PTPGP, organisée par la Nouvelle-Zélande, les représentants ont signé le protocole d’adhésion admettant le Royaume-Uni au sein du PTPGP. L’adhésion du Royaume-Uni au PTPGP devrait devenir effective en 2024 après l’adoption d’une loi de mise en œuvre par le Parlement britannique et après que les procédures juridiques applicables auront été adoptées par les 11 autres membres et notifiées au dépositaire (Nouvelle-Zélande). La septième Commission s’est également félicitée de la ratification et de l’entrée en vigueur de l’accord pour le Chili et le Brunéi, achevant ainsi le processus de ratification pour les 11 membres initiaux.

En outre, depuis la publication de notre article de 2022, deux autres économies aspirantes ont officiellement notifié au dépositaire leur demande d’ouverture de négociations en vue d’adhérer à l’accord. L’ajout de l’Uruguay (décembre 2022) et de l’Ukraine (mai 2023) porte le nombre d’économies candidates à six, rejoignant ainsi la Chine (16 septembre 2021), Taïwan (22 septembre 2021), l’Équateur (décembre 2021) et le Costa Rica (août 2022). À ce jour, hormis l’accord sur l’adhésion du Royaume-Uni, aucune négociation formelle d’adhésion n’a été entamée pour les pays candidats, même si nous comprenons que des discussions informelles ont eu lieu entre certaines économies candidates et certains membres.

La présidence du Canada en 2024 : le défi à relever

En 2024, le Canada assumera la présidence de la Commission du PTPGP et aura la responsabilité principale de faire avancer le processus d’adhésion. La question la plus urgente est celle des demandes d’adhésion en suspens de la Chine et Taïwan. Il faudra faire preuve de créativité.

Depuis la publication de notre article, les relations bilatérales entre la Chine et Taïwan se sont encore détériorées, exacerbées par les manœuvres d’intimidation de la Chine. Les résultats de l’élection présidentielle taïwanaise du 13 janvier n’amélioreront pas les relations entre les deux rives du détroit. Toute possibilité que Pékin atténue son objection à l’adhésion de Taïwan au PTPGP doit être exclue, du moins dans un avenir proche. Dans le même temps, les États-Unis et Taïwan ont conclu la première partie de leur accord dans le cadre de l’initiative américano-taïwanaise sur le commerce du XXIe siècle, et le Canada et Taïwan ont conclu et signé un Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE). Les États-Unis, qui ne sont pas membres du PTPGP mais dont l’économie est néanmoins importante et influente dans la région, ont également entrepris de développer leur cadre économique indo-pacifique pour la prospérité (Indo-Pacific Economic Framework for Prosperity ou IPEF) avec un certain nombre de pays d’Asie-Pacifique, dont certains sont membres du PTPGP, bien que le pilier commercial des quatre piliers de l’IPEF n’ait pas progressé. Parallèlement, les blocages à l’Organisation mondiale du commerce n’ont pas non plus disparu, ce qui rend d’autant plus impératif que des accords commerciaux modernes et ouverts tels que le PTPGP continuent de s’étendre et d’accueillir de nouveaux membres qualifiés.

La voie vers l’adhésion

Les considérations clés pour l’adhésion au PTPGP que nous avons soulignées dans notre document de novembre 2022 restent pertinentes : la capacité et la volonté de soutenir les objectifs et les principes de l’accord dans le but d’élargir l’intégration économique régionale, comme le démontre la volonté de se conformer aux termes et conditions de l’accord, ainsi qu’un bilan prouvé de respect des obligations commerciales précédentes. Certains candidats sont manifestement plus prêts que d’autres à assumer les obligations liées à l’adhésion au PTPGP, Taïwan et le Costa Rica étant les mieux préparés.

Étant donné que les règles adoptées par la Commission du PTPGP l’obligent à prendre une décision, par consensus, sur l’opportunité d’entamer le processus d’adhésion d’une économie candidate « dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle l’économie candidate a présenté sa demande d’adhésion », 2024 est certainement l’année où la question des candidatures de la Chine et de Taïwan doit être abordée. Les demandes d’adhésion de la Chine et Taïwan remontent maintenant à près de deux ans et demi. Néanmoins, la « position officielle » des représentants des pays du PTPGP est que les membres du PTPGP se concentrent actuellement sur la mise en œuvre de l’accord avec le Royaume-Uni, bien que ce dernier ait déjà déposé un projet de loi au Parlement. S’il est important de mener à bien le processus d’adhésion du Royaume-Uni, cette démarche ne doit pas servir de prétexte pour éviter de traiter la question des autres demandes d’adhésion en suspens cette année.  

Même si le Canada présidera la Commission cette année et sera donc en mesure d’exercer un certain leadership pour faire avancer le processus, les décisions doivent toujours être prises par consensus. Toutefois, les règles établies exigent qu’une décision soit prise sur l’opportunité d’entamer le processus d’adhésion pour les candidats qualifiés ; la décision ne peut pas être reportée sine die. Lorsque des économies candidates ont mené à bien des discussions informelles avec les membres et ont démontré leur capacité à respecter les conditions du PTPGP, il incombe à la Commission d’entamer le processus.

Il y a plusieurs façons de procéder, comme nous l’avons indiqué dans notre document initial, notamment en regroupant les candidats en groupes gérables en fonction de leur degré de préparation en termes d’ouverture économique démontrée et de leur capacité à adopter les mesures de libéralisation du marché nécessaires. En tant que président, le Canada peut jouer un rôle important dans l’ouverture des négociations d’adhésion pour les économies candidates qui ont franchi de manière satisfaisante toutes les étapes préliminaires décrites dans le document de la Commission, « Processus d’adhésion à l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) ». Il ne faut pas céder à la tentation d’éviter ou retarder une décision difficile en proposant simplement de poursuivre les discussions. Les membres du PTPGP doivent être clairs avec la Chine et Taïwan : si l’une ou l’autre ou les deux remplissent la plupart des critères d’entrée, elles doivent être placées sur la voie de la succession et recevoir un message clair précisant comment elles peuvent achever le processus.

Le plus difficile sera de parvenir à un consensus entre les membres. Il est probable que l’adhésion de la Chine se heurte à une opposition fondée sur son comportement persistant à l’égard de Taïwan et sur ses graves lacunes en matière de préparation économique. Toutefois, certains membres du PTPGP, tels que la Malaisie et Singapour, tout en soutenant publiquement la candidature de Taïwan, pourraient souhaiter éviter de lui accorder l’entrée sans l’adhésion de la Chine, afin de ne pas donner l’impression de choisir des favoris.

Recommandation : une nouvelle catégorie de membres du PTPGP

Des solutions créatives à ce dilemme s’imposent. Une option que nous recommandons d’envisager consisterait à rapprocher les deux candidats de l’adhésion en créant une nouvelle catégorie de membres provisoires par l’établissement d’un statut de « partenariat stratégique ». Ce statut serait similaire à celui offert par l’ANASE aux non-membres. (Le Canada est devenu un partenaire stratégique de l’ANASE l’année dernière). Il serait important que ce statut soit offert simultanément à Taïwan et à la Chine. L’offre de partenariat stratégique reconnaîtrait le bien-fondé de l’adhésion potentielle des deux économies, tout en précisant les mesures spécifiques que chacune devrait prendre pour parvenir à une adhésion pleine et entière. Les membres du PTPGP s’engageraient à faire passer chaque candidat au statut de membre à part entière une fois que les conditions de l’accord seraient remplies de manière satisfaisante pour tous les participants. Dans l’intervalle, l’adhésion provisoire pourrait éventuellement permettre la participation aux groupes de travail et aux réunions du PTPGP en tant qu’observateurs.

Cette approche offre un traitement équitable à la Chine et à Taïwan tout en reconnaissant les différences substantielles dans les mesures que chaque pays devrait prendre pour devenir membre à part entière. Il appartiendrait à la Chine et à Taïwan d’accepter, de rejeter ou de chercher à négocier les termes du partenariat stratégique. Si la Chine rejetait une telle offre, Taïwan serait toujours en mesure de tracer une voie claire vers une éventuelle adhésion. Cette approche tiendrait compte des préoccupations des membres du PTPGP qui cherchent à éviter l’exclusion de la Chine, mais qui ont accepté que les membres potentiels respectent pleinement les conditions et les obligations liées à l’adhésion. Un partenariat stratégique serait également compréhensible pour les membres qui font également partie de l’ANASE, puisqu’ils ont suivi un processus similaire pendant de nombreuses années.

Nous pensons que l’étape intermédiaire consistant à créer une catégorie de partenariat stratégique, dans un premier temps pour la Chine et Taïwan, étant donné qu’il s’agit des candidats suivants dans la file d’attente en fonction de la date de la demande, permettrait de sortir de l’impasse qui menace de bloquer les progrès vers l’expansion du PTPGP.

Même si les considérations politiques continueront probablement à jouer un rôle dans les considérations d’adhésion (même si, à notre avis, elles ne devraient pas), nous pensons néanmoins que le processus d’adhésion devrait commencer cette année et se concentrer sur l’état de préparation économique. Une approche créative telle que celle proposée ci-dessus pourrait contribuer à faire avancer le processus. Il revient au Canada de jouer un rôle moteur dans l’obtention du consensus nécessaire entre les membres actuels pour concrétiser ces étapes.

Hugh Stephens

Il est actuellement vice-président du comité canadien pour la coopération économique dans le Pacifique (Canadian Committee on Pacific Economic Cooperation, CANCPEC),  membre de la direction de la faculté de politique publique de l’Université de Calgary, directeur de TransPacific Connections et attaché supérieur de recherche distingué de la Fondation Asie-Pacifique du Canada. En outre, il enseigne dans le cadre du programme MBA de la Royal Roads University en tant que membre associé du corps professoral.

Avant de revenir au Canada en décembre 2009, Hugh a occupé pendant près de dix ans le poste de vice-président principal (politique publique) pour l’Asie-Pacifique chez Time Warner, au siège régional de l’entreprise à Hong Kong.

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Jeff Kucharski

Jeff Kucharski, Ph. D., est professeur associé à la Royal Roads University de Victoria, en Colombie-Britannique, et donne des cours à la faculté de commerce. Il est également agrégé supérieur de recherches au sein de l’Institut Macdonald-Laurier et de l'Institut canadien des affaires mondiales (Canadian Global Affairs Institute, CGAI).

The CPTPP Bids of China and Taiwan: Issues and Implications