À retenir :
Beijing a récemment lancé son programme de visa de type K, conçu pour attirer des talents étrangers en sciences et technologies, soulignant son ambition de positionner la Chine comme pôle international de l’innovation durant une période où les États-Unis resserrent les restrictions sur les talents internationaux. Tandis que l’initiative déclare une ouverture et s’aligne avec les réformes plus larges du pays concernant ses visas, l’absence de clarté et de consultation publique du programme a été source de critiques, semant le doute sur son efficacité pratique. De plus, le scepticisme quant à la barrière linguistique et aux tensions géopolitiques suggère que la Chine pourrait peiner à trouver un équilibre entre ses politiques d’immigration et ses aspirations technologiques dans la course mondiale pour les talents.
En bref :
- Le 1er octobre, la Chine a annoncé son nouveau programme de visas, intitulé « Visa de type K », adapté spécifiquement pour attirer les talents étrangers dans les secteurs des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques (STIM). Le Conseil des affaires de l’État, l’autorité administrative principale de la Chine, a annoncé l’initiative dans le cadre de la révision des réglementations régissant les entrées et sorties au pays pour les ressortissants étrangers.
- S’ajoutant aux 12 autres types de visa chinois, le nouveau visa de type K permet aux jeunes candidats possédant un parcours professionnel exceptionnel, ou en recherche ou en éducation, de s’engager dans des échanges académiques, de créer des entreprises ou de travailler en Chine sans avoir besoin d’un parrainage préalable d’un employeur. Les procédures de traitement ont également été décrites comme plus faciles que celles des autres types de visa chinois.
- Tandis que le communiqué stipule que les candidats « doivent répondre aux critères et conditions fixés par les autorités chinoises compétentes et fournir la documentation requise, » plusieurs détails essentiels concernant ces conditions académiques, la durée du séjour et le parrainage familial demeurent ambigus. L’annonce ne fournit pas non plus d’informations sur l’obtention de la résidence permanente ou de la citoyenneté, un aboutissement improbable puisque la plupart des visas d’étude ou de travail ne facilitent pas typiquement l’installation à long terme.
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Le visa de type K est le plus récent dans une série de réformes des visas chinois visant à attirer davantage de visiteurs au pays. Depuis juillet 2025, la Chine a ajouté à sa liste de pays exemptés de visa pour une entrée unilatérale ou bénéficiant de politiques d’exemption mutuelle de visa 75 pays (le Canada n’y figure toujours pas), le Bureau national de l’immigration ayant signalé une augmentation annuelle de 30,2% des visites en Chine pour les six premiers mois de 2025.
Implications :
À mesure que Washington impose davantage de barrières sur les talents étrangers, Beijing prône l’inverse, ouvrant ses portes aux capitaux et à l’expertise mondiaux. Tandis que la première annonce du visa de type K en août était passée inaperçue, le lancement du programme a coïncidé avec les récents changements dans le programme de visa américain H-1B, sur lequel plusieurs entreprises américaines comptaient pour attirer des travailleurs qualifiés étrangers. En septembre, le président américain Donald Trump a imposé des frais annuels élevés de 100 000 dollars américains sur les nouvelles candidatures H-1B, créant de l’incertitude pour les personnes détenant actuellement ou potentiellement des visas H-1B, ainsi que pour leurs employeurs. Les analystes notent qu’un changement potentiel de la destination des talents des États-Unis vers la Chine représenterait une victoire symbolique pour Beijing durant une période où les États-Unis resserrent leurs politiques à l’égard des talents dans le secteur technologique. Comme plusieurs entreprises chinoises en technologie gagnent en importance mondiale, les visas de type K pourraient aussi créer des opportunités pour ceux qui s’intéressent au secteur technologique chinois afin de découvrir ce qu’il en est.
Les visas de type K de la Chine ont suscité diverses réactions au pays et ailleurs. Tandis que certains internautes chinois ont bien accueilli la nouvelle des efforts de leur gouvernement pour attirer les talents internationaux de haut calibre, d’autres s’inquiètent que les critères d’admissibilité indulgents pour l’obtention du visa entraînent une inondation de travailleurs contre lesquels il faudra rivaliser dans un marché du travail aux perspectives futures pessimistes. Des commentaires anti-migratoires, résultant de craintes que les visas de type K soient exploités à des fins frauduleuses d’immigration, étaient également très répandus. Les médias étatiques chinois ont tenté d’atténuer les inquiétudes du public, mettant en exergue la disponibilité des opportunités de travail en Chine et la valeur d’accueillir des professionnels étrangers, alors que les États-Unis ferment leurs portes aux talents STIM. La Chine devrait, avance un porte-parole commentateur, entretenir cette démarche stratégique pour renforcer la croissance stimulée par l’innovation du pays et sa proéminence mondiale. Le commentateur a aussi cité les politiques étrangères du Canada pour attirer les talents qualifiés comme exemple de pays restant à jour dans leurs course mondiale pour les talents.
Contrairement aux réactions négatives à l’intérieur du pays, le plan du nouveau visa a été reçu avec intérêt à l’étranger, notamment par des professionnels en début de carrière dans les STIM d’autres régions, notamment l’Asie du Sud-Est, l’Inde (constituant 70% des récipiendaires des visas américains H-1B), l’Europe et les États-Unis, qui explorent des alternatives. D’autres restent hésitants, débattant si le visa K chinois offrira les mêmes avantages que le programme H-1B, surtout que très peu de ressortissants étrangers obtiennent un statut de résident permanent, en comparaison avec l’environ un million de nouvelles cartes de résidence américaine (green cards) octroyées chaque année. Par ailleurs, la dominance du mandarin comme principale langue de travail et les différences culturelles comptent aussi parmi les facteurs qui pourraient dissuader plusieurs de s’installer en Chine.
Ce qui s'ensuit :
1. Toujours en évolution
Tandis que le programme est techniquement ouvert aux candidats, plusieurs détails pratiques manquent encore, rendant difficile pour les candidats d’évaluer leur admissibilité ou de préparer leurs candidatures. À titre d’exemple, la proclamation n’a pas précisé ce que signifiait la phrase « fourchette d’âge spécifique », avec des interprétations selon lesquelles il s’agirait de la tranche d’âge 18-45 ans. D’autres directives concrètes de mise en œuvre, en plus de bâtir un consensus domestique tout en atténuant l’impact potentiel sur la population active locale, seront essentielles pour la crédibilité du plan.
2. L’intérêt réel pour la Chine demeure ambiguAu-delà des obstacles quotidiens potentiels que la vie et le travail en Chine peuvent représenter, une question plus importante se pose : compte tenu de ses politiques d’immigration historiquement restrictives, le pays est-il réellement prêt à accueillir un afflux important de talents étrangers ? Par ailleurs, l’attrait de la Chine comme destination principale pour les talents internationaux, y compris canadiens, pourrait aussi être limité par ses cultures politiques et hiérarchiques différentes, dans une époque marquée par des tensions géopolitiques croissantes avec certains pays voisins et occidentaux.
• Édité par Maya Liu, gestionnaire de programme, Vina Nadjibulla, vice-présidente de la recherche et de la stratégie, et Ted Fraser, rédacteur en chef à la FAP Canada