Le référendum taïwanais pour le redémarrage d’une centrale nucléaire échoue, et le dilemme pour la sécurité énergétique demeure

Maanshan Nuclear Power Plant
Cette photo, prise le 29 avril 2025, montre la centrale nucléaire de Ma’anshan, près de la plage de Pingtung, dans le Sud de Taïwan. La centrale, la dernière des trois centrales actives de l’île, a été fermée le 17 mai 2025. | Photo : I-HWA Cheng/AFP gracieuseté de Getty Images

À retenir

Le référendum du 23 août sur le redémarrage de la troisième centrale nucléaire de Taïwan a échoué, ce qui ravive les préoccupations de l’île en matière de sécurité énergétique. Alors que Taïwan s’efforce de devenir un pôle mondial de la fabrication technologique, une alimentation en énergie fiable est essentielle au maintien de son avantage en matière de fabrication de puces électroniques et d’intelligence artificielle (IA). Aussi, les plus de quatre millions de votes en faveur du redémarrage de la centrale soulignent l’inquiétude du public en ce qui concerne la vulnérabilité énergétique de Taïwan, un sentiment qui pourrait motiver les dirigeants à réviser la politique de dénucléarisation de l’île, le contraire les mettant à risque de perdre des votes lors de l’élection présidentielle de 2028.

Le Canada, qui est déjà un acteur majeur du secteur de l’énergie éolienne en mer à Taïwan, pourrait offrir son expertise nucléaire afin de renforcer la sécurité énergétique de l’île, si Taipei souhaite faire renaître l’énergie nucléaire.

En bref

  • En mai, le parti de l’opposition Kuomintang et le Parti populaire taïwanais, qui possèdent ensemble la majorité législative, ont appuyé la tenue d’un référendum sur le redémarrage de la troisième centrale nucléaire de Taïwan, soutenant que l’île pourrait ainsi réduire sa dépendance aux combustibles importés et garantir son approvisionnement en énergie. 

  • La centrale nucléaire de Ma’anshan, située sur la pointe sud de l’île, a également été fermée en mai dans le contexte de l’engagement du Parti démocratique progressiste (PDP) au pouvoir en faveur de l’abandon de tous les programmes nucléaires de Taïwan, qui fournissaient à une certaine époque plus de la moitié de l’énergie de l’île. Taïwan avait à l’origine trois centrales nucléaires, qui ont été fermées entre 2014 et 2025. Ma’anshan a été la dernière à cesser ses activités. 

  • Environ 4,3 millions de Taïwanais ont voté en faveur de la réouverture de la centrale, ce qui dépasse amplement le nombre de 1,5 million de votes contre la réouverture. Toutefois, selon les règles du référendum, le soutien d’au moins 25 % des 20 millions d’électeurs inscrits à Taïwan, soit environ cinq millions, est nécessaire afin de déclarer le référendum comme accepté. Selon la loi, l’enjeu ne peut être soumis à nouveau à un référendum au cours des deux années suivantes.

  • En réaction au plébiscite, le président Lai Ching-te a laissé la possibilité à Taïwan de réévaluer l’utilisation de l’énergie nucléaire dans le futur si les conditions de sécurité sont remplies.

Les conséquences

L’énergie de Taïwan dépend des importations, et l’énergie renouvelable n’est pas suffisante. L’île importe plus de 95 % de son énergie. En 2024, le gaz naturel liquéfié (GNL) était la principale source de production d’énergie, à plus de 40 % du total, tandis que les énergies renouvelables ne constituaient que 13 % de l’énergie produite, une valeur bien en deçà de la cible du gouvernement de 20 %. Les pannes d’électricité sont devenues de plus en plus fréquentes.

La pénurie d’énergie à Taïwan pourrait compromettre son leadership en matière de technologies de pointe. La Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), qui produit 90 % des puces les plus perfectionnées au monde pour des clients tels qu’Apple et Nvidia, utilise 9 % de la quantité d’électricité produite à Taïwan. Cette part augmentera dans le futur. En 2021, une panne d’une durée de sept heures à l’usine de Tainan a directement perturbé la production de la puce de 40 nanomètres de TSMC. En raison de l’expansion de l’IA, qui devrait entraîner une augmentation de 12 à 13 % de la demande en électricité d’ici 2030, de telles pénuries d’énergie continueront de représenter un risque important, non seulement pour la viabilité à long terme du leadership technologique de Taïwan, mais également pour l’approvisionnement mondial de puces de pointe dans le contexte de la demande croissante pour l’IA.

Pour Taïwan, la sécurité énergétique est également un enjeu de sécurité des goulots d’étranglement. Si Beijing devait instaurer un blocus de Taïwan, les réserves limitées de gaz naturel de l’île et sa dépendance à l’énergie importée représenteraient des vulnérabilités critiques. Les exercices militaires de la Chine ont déjà simulé des blocus des voies d’approvisionnement en GNL de Taïwan, et les estimations indiquent que les réserves de GNL de l’île pourraient être épuisées en 10 jours. Les analystes signalent également que la Chine pourrait cibler le réseau électrique taïwanais, imitant les tactiques utilisées par la Russie en Ukraine.

Toutefois, le redémarrage de la centrale de Ma’anshan entraînerait un risque semblable à la fuite de Fukushima. Un tel incident aurait des conséquences environnementales désastreuses dans la région propice aux tremblements de terre où la centrale de Ma’anshan est située. Par contre, le nombre élevé de personnes ayant voté en faveur de la réouverture de la centrale lors du référendum semble indiquer un changement de l’opinion publique : un référendum semblable tenu en 2021 sur la reprise de la construction de deux réacteurs à Lungmen a obtenu 51 % d’opposition contre 47 % de soutien. Même si cette proposition ne sera pas présentée à nouveau avant au moins deux ans, l’inquiétude du public pourrait signifier que le débat sur l’énergie nucléaire est encore bien vivant.

Prochaines étapes

1. L’énergie nucléaire demeure un enjeu de taille pour le PDP

L’échec de ce référendum, malgré l’appui de la majorité, témoigne de la pression subie par le gouvernement de Lai pour le réexamen de l’engagement idéologique du PDP envers une « patrie dénucléarisée ». Si le PDP ne prend pas en main le développement trop lent des énergies renouvelables de l’île et les préoccupations croissantes du public concernant une production d’énergie stable, le soutien du parti pourrait souffrir lors de l’élection présidentielle de 2028.

2. Renforcement des partenariats énergétiques entre le Canada et Taïwan

Le Canada s’est démarqué en tant que partenaire prometteur pour la diversification énergétique de Taïwan en raison de ses investissements dans les projets d’énergie éolienne en mer, qui ont le potentiel de fournir de l’électricité à plus d’un million de foyers. Alors que le Canada exporte son premier chargement de GNL en juillet vers les marchés asiatiques, Taïwan envisage les occasions de collaboration, autant en matière d’investissements que d’importations. En parallèle, si Taïwan redéfinit sa position sur l’énergie nucléaire, le Canada pourrait offrir l’ensemble de ses atouts, notamment la production de combustibles et les technologies de pointe en matière de réacteurs, incluant le premier petit réacteur modulaire du G7 possédant des caractéristiques de sécurité avancées. La Porte commerciale canadienne pour le développement nucléaire, annoncée dans le contexte de la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique de 2022, indique l’engagement d’Ottawa pour le partage des connaissances et des pratiques exemplaires en matière de technologie nucléaire afin d’aider les partenaires à répondre à leurs besoins en énergie propre.

Xiaoting (Maya) Liu

Xiaoting (Maya) Liu est gestionnaire principale de programme, Chine, à la Fondation Asie-Pacifique du Canada. Elle est titulaire d'une maîtrise en affaires internationales de la School of International and Public Affairs (SIPA) de l'Université de Columbia.

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Karen Hui

Karen Hui est chercheuse-boursière au sein de l'équipe Grande Chine de la Fondation Asie-Pacifique du Canada. Titulaire d'une maîtrise en sociologie de l'Université chinoise de Hong Kong, elle se spécialise dans la recherche politique et universitaire liée au développement social sous des angles critiques, en particulier le travail, les mouvements sociaux, la santé publique et la chaîne d'approvisionnement.

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