Signatories to the CPTPP in 2018

Nouvelle approche de la gestion des adhésions au PTPGP

L’accord de libre-échange à présent connu sous le nom d’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) a été, dès sa conception, élaboré pour se développer dans le cadre d’une clause d’adhésion. En fait, c’est ce processus qui lui a donné sa forme actuelle – lors du passage de trois membres à quatre, puis à sept, à neuf, à onze puis à douze, avant de retomber à onze membres suite au retrait des États-Unis. Il se développe à nouveau pour revenir à douze membres, alors qu’une longue liste de candidats attendent patiemment.

À l’origine, le processus d’acquisition de nouveaux membres se faisait en grande partie dans le cadre d’un ensemble de pratiques informelles :

  • en demandant au membre potentiel d’organiser une série de réunions avec les membres actuels pour essayer de résoudre tout « point de friction bilatéral » qui pourrait entraver les futures délibérations au sein du groupe;
  • en demandant au membre potentiel de ne pas chercher à remettre en question les règles et les textes considérés comme étant établis;
  • en admettant de nouveaux candidats par une décision collective des membres actifs.

Les membres se sont également entendus sur le fait que l’accord final devait être de grande qualité, complet et respecter des normes rigoureuses. Il n’inclurait pas de traitement différencié ou spécial pour les pays membres en développement (au-delà de prolongations limitées dans le temps pour la mise en œuvre de certaines dispositions). Les membres potentiels n’ont pas été autorisés à assister aux négociations en tant qu’observateurs, mais devaient décider de prendre ou ne pas prendre part à ces négociations.

Les membres se sont également accordés sur le fait que le document final s’appliquerait à tous les participants, en ne laissant que peu de place aux exceptions. Toute exception spécifique à un membre devait être en grande partie gérée par un très petit nombre de lettres d’accompagnement autorisées entre les membres. Ces lettres d’accompagnement incluaient par exemple, pour leurs signataires, la clarification de l’application de dispositions liées à un accord commercial antérieur ou le fait d’être exemptés de certaines dispositions.

Les avantages et inconvénients de la formalisation du processus

Bon nombre de ces processus informels ont depuis été englobés dans les règles d’adhésion figurant dans les textes légaux définitifs du PTPGP (article 30.4) et révisés par les membres de la Commission du PTPGP en 2019 (annexe au CPTPP/COM/2019/D002).

Les dispositions concernant l’adhésion restent limitées, même si elles sont de plus en plus nombreuses et disposent d’une grande marge d’interprétation. Par exemple, le document d’adhésion au PTPGP (section 2.1) stipule que : « La Commission de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (Commission) déterminera, dans un délai raisonnable après la date de présentation de la demande d’adhésion par l’économie candidate et conformément aux articles 27.3 (Prise de décision) et 27.4 (Règles de procédure de la Commission), si le processus d’adhésion doit être entamé pour l’économie candidate. » Le fait de savoir si les membres ont agi « conformément » aux exigences de l’article 27, ainsi que la signification du terme « dans un délai raisonnable » sont deux points qui manquent de clarté.

En résumé, bien que les membres du PTPGP aient pris des dispositions pour affiner et clarifier les conditions et procédures liées à l’entrée dans l’accord, il subsiste des lacunes importantes.

CPTPP Signatories
Saluant la main alors qu'ils posent pour la photo officielle avant de signer l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (CPTPP) à Santiago, le 8 mars 2018 (de gauche à droite, première rangée) : le ministre des Affaires étrangères par intérim du Brunei, Erywan Dato Pehin, le ministre des Affaires étrangères du Chili Le ministre Heraldo Munoz, la présidente du Chili Michelle Bachelet, le ministre australien du Commerce Steven Ciobo et le ministre canadien du Commerce international François-Phillippe Champagne, et (de gauche à droite, dernière rangée) le ministre du Commerce et de l'Industrie de Singapour Lim Hng Kiang, le ministre néo-zélandais du Commerce et de la croissance des exportations David Parker, le ministre malaisien du Commerce et de l'Industrie Datuk J. Jayasiri, le ministre japonais de la Revitalisation économique Toshimitsu Motegi, le secrétaire mexicain à l'Économie Ildefonso Guajardo Villarreal, le ministre péruvien du Commerce extérieur et du Tourisme Eduardo Ferreyros Kuppers et le ministre vietnamien de l'Industrie et du Commerce Tran Tuan Anh. | Photo : Claudio Reyes/AFP via Getty Images

Il s’agit d’un point important, car les membres du PTPGP sont actuellement aux prises avec une file longue et compliquée de candidats incluant la Chine, le Costa Rica, Taïwan, l’Ukraine et l’Uruguay. L’admission de nouveaux membres sera toujours difficile, mais la diversité des pays ayant exprimé leur intérêt à rejoindre le PTPGP, ainsi que les problèmes que leur adhésion pourrait apporter au groupe, sont variés.

Certains candidats ont accompli un travail considérable pour se préparer aux négociations, ayant déjà effectué des consultations de grande envergure et des analyses de l’écart. D’autres sont beaucoup moins préparés. Les membres du PTPGP ont commencé à essayer d’atténuer les difficultés pour les candidats en leur demandant de remplir une demande d’adhésion formelle et de répondre à des questions posées par les membres actuels.

Certains membres potentiels présentent des difficultés spécifiques vis-à-vis des exigences existantes du PTPGP, comme dans des secteurs spécifiques tels que l’agriculture ou la volonté de faire observer les règles et obligations existantes dans le cadre de certaines questions telles que le commerce numérique ou les entreprises à capitaux publics. D’autres membres potentiels peuvent soulever, chez certains des membres existants, des préoccupations politiques ou liées à la sécurité.

En résumé, la diversité des candidats actuels et l’éventail des problèmes qu’ils soulèvent représentent un défi de taille pour les membres existants. Jusqu’à présent, les membres du PTPGP pouvaient faire valoir que les processus d’adhésion devaient être ralentis en attendant l’entrée en vigueur pour tous les membres existants, ou au moins clarifiés et affinés d’après l’évolution des expériences consignées lors de l’adhésion du Royaume-Uni, le premier nouveau candidat à parvenir à l’adhésion depuis la ratification de l’accord en décembre 2018. Toutefois, les 11 premiers signataires étant désormais actifs, et le Royaume-Uni en cours de ratification au niveau national et dont la date d’entrée en vigueur est imminente, les justifications visant à retarder le traitement des nouvelles demandes d’adhésion sont de moins en moins convaincantes.

Une tentative de facilitation : les « principes de Wellington »

En tant que présidente de la Commission du PTPGP en 2023, la Nouvelle-Zélande a énoncé trois principes de Wellington pour diriger l’adhésion. Ces principes stipulent que les candidats :

  • doivent être prêts à se plier aux normes rigoureuses et à la haute qualité inhérentes au PTPGP;
  • ont prouvé qu’ils étaient capables d’honorer les engagements commerciaux des accords antérieurs;
  • sont susceptibles d’atteindre un consensus parmi les membres actuels pour la création d’un groupe de travail.

Ce ne sont pas, en toute franchise, des principes particulièrement utiles; ils ne permettent pas au PTPGP de gérer les adhésions de plus d’un ou deux membres potentiels. Tous les candidats affirmeront probablement qu’ils sont prêts à se conformer aux normes rigoureuses de l’accord. Aucun candidat à une organisation ne s’engage par avance à esquiver les engagements. Les membres auront du mal à justifier une décision de rejet par le fait qu’ils pensent que le membre pourrait se conformer ou pas aux normes dans le futur. On peut au moins imaginer qu’un membre soit aujourd’hui très déterminé à respecter les obligations du PTPGP, mais personne ne peut garantir que les futurs gouvernements feront preuve de la même passion vis-à-vis de l’accord.

L’évaluation du succès des candidats dans la gestion des pratiques de l’accord antérieur est une question d’appréciation. Une telle évaluation impose également aux membres du groupe un examen minutieux de leur propre adhésion aux engagements existants. Compte tenu du nombre de dispositions du PTPGP que les membres n’ont pas mises en œuvre comme il était prévu, cet examen pourrait se révéler assez inconfortable. Par exemple, le PTPGP fait actuellement l’objet, en 2024, d’un processus d’examen mandaté dans l’accord pour « la troisième année ». Selon toute norme mathématique raisonnable, l’accord est en vigueur depuis plus de trois ans en 2024, puisqu’il a été instauré en 2018. De tels défauts de mise en œuvre – comme le fait de ne pas procéder à un examen global prévu, de ne pas mettre à jour les informations en ligne ou de sauter des réunions visant à examiner des chapitres ou dispositions spécifiques – se trouvent dans tout le document et dans l’application nationale des dispositions du PTPGP pour chacun des membres actuels.

Les principes de Wellington ne créent pas réellement de base plus forte permettant de prendre des décisions au sujet des candidats. Il est nécessaire de mettre en place une approche bien plus souple et créative pour gérer les processus de prise de décision en matière d’adhésion tout en honorant les obligations existantes.

Les défis persistants pour un processus accessible et équitable

Le PTPGP a besoin de se développer, car le fait d’augmenter le nombre de membres permet d’augmenter les bénéfices pour le groupe. Mais il se doit également de choisir des membres qui contribueront, à terme, à de meilleurs résultats au lieu de créer des obstacles substantiels au succès de l’accord.

Certaines considérations pratiques relatives à l’adhésion au PTPGP demeurent importantes. En premier lieu, le processus exige des ressources très importantes, comme l’ont montré les récentes négociations du Royaume-Uni pendant plus de deux ans. Rassembler les membres, en particulier en l’absence d’un secrétariat doté d’un personnel permanent, signifie que chaque membre existant du PTPGP doit renforcer son personnel pour les négociations, prévoir et budgétiser de nombreux déplacements, gérer des discussions en ligne sur un large éventail de fuseaux horaires et dédier aux négociations des ressources substantielles en capitaux et en personnel. Le processus d’adhésion ne peut tout simplement pas se faire à la carte quand des négociations sont en cours pour chacun des six membres ou plus en attente, mais doit être regroupé d’une manière ou d’une autre.

En second lieu, en dépit de discussions limitées sur ce que signifiait le fait de traiter les demandes d’adhésion dans un « délai raisonnable », certains candidats attendent déjà depuis des années. En troisième lieu, la décision de former un groupe de travail pour gérer une adhésion devient un défi politique, car bon nombre des candidats actuels gèrent des enjeux qui surviendront potentiellement dans le processus. Cela a mené les membres actuels à une position par défaut consistant à n’accepter aucun ou potentiellement un nombre très limité de candidats, plutôt que de prendre des décisions risquées d’un point de vue politique et économique en lançant des groupes de travail de manière formelle.

Recommandation : créer un groupe de dialogue du PTPGP

Afin de résoudre d’un coup plusieurs de ces problèmes, les membres du PTPGP devraient inviter les pays ayant soumis avec succès un formulaire de candidature (et potentiellement répondu à au moins une série de questions posées par les membres actuels et concernant les informations portées sur le formulaire de candidature) à rejoindre un groupe de dialogue du PTPGP. Ce groupe de dialogue serait lancé à une date spécifique et ne serait pas ouvert à des participants supplémentaires pendant une période donnée (un à deux ans par exemple). Cela devrait permettre de s’assurer que les membres potentiels accordent aux éléments de candidature tout le sérieux attendu et que les indécis agissent immédiatement ou manquent l’occasion de rejoindre le PTPGP.

Pour la première séance, ce groupe de dialogue rassemblerait tous les candidats qualifiés et les membres actuels. La première série de réunions de ce groupe de dialogue viserait à s’assurer que tous les participants aient connaissance du processus, aient une occasion d’aborder l’état des engagements existants, comprennent le processus prévu et soient informés des dates limites.

Les réunions futures du groupe de dialogue se tiendraient de manière régulière, les membres du groupe de dialogue étant invités à participer à des réunions axées sur un secteur. Par exemple, « Accès aux marchés pour les marchandises » pourrait avoir lieu le lundi pour le groupe A du groupe de dialogue, le mardi pour le groupe B du groupe de dialogue, et ainsi de suite. Cela permettrait de s’assurer que les membres actuels puissent déployer leurs ressources de manière stratégique et envoyer, par exemple, tous les négociateurs de marchandises à seulement une série de réunions. Le fait d’établir un programme de réunions permet également une meilleure budgétisation que dans le cas d’un processus ad hoc.

Le groupe de dialogue fournirait des rapports de progression à propos de ces négociations de secteur — tel que marchandises, services/investissements, calendriers des événements et marchés publics –  à la Commission du PTPGP afin de permettre à la Commission de décider si les candidats doivent rester dans le processus du groupe de dialogue, être encouragés à suspendre ou à retarder les discussions avec un parti si les négociations ne se révèlent pas fructueuses ou faire passer un candidat du groupe de dialogue à un groupe de travail.

La transition vers un groupe de travail, telle que requise par les règles actuelles du PTPGP, pourrait se faire à tout moment pendant les négociations du groupe de dialogue, y compris à la toute fin.

Le fait que tous les candidats commencent en même temps dans le groupe de dialogue ne signifie pas forcément que les membres doivent conclure les discussions au même moment. En fait, dans la mesure où les réunions du groupe de dialogue incluraient un large éventail de candidats à différents stades de leur préparation, il est très improbable que tous soient en mesure de conclure simultanément. La Commission, pour sa part, ne devrait pas avoir à attendre que toutes les parties soient prêtes pour annoncer une évolution de l’effectif du PTPGP.

Afin de préparer les membres potentiels à prendre part à des accords de haute qualité et répondant à des normes rigoureuses, les membres du groupe de dialogue rencontrant des difficultés pour gérer leurs engagements pourraient se voir offrir un soutien supplémentaire, ainsi qu’un renforcement des capacités, pour les aider à faire face à ces difficultés.

La tenue d’un groupe de dialogue en tant que mécanisme de gestion des adhésions peut également présenter un avantage supplémentaire. Bien que les normes informelles interdisent le changement de textes ou d’engagements existants dans le cadre du processus d’adhésion, certaines des règles du PTPGP pourraient bénéficier d’une mise à jour ou d’un ajustement. Le PTPGP a été envisagé comme un accord « vivant », qui ne resterait pas gravé dans le marbre. En pratique, toutefois, il peut être difficile de gérer un processus d’ajustement d’une manière ponctuelle ou même par le biais de comités. Le groupe de dialogue pourrait permettre la rencontre entre les membres actuels et potentiels autour de possibles altérations de l’accord PTPGP existant et proposer à la Commission des recommandations en matière de changement.

Quoi qu’il en soit, en rassemblant tous les candidats dans un groupe de dialogue, les membres du PTPGP éviteraient d’avoir à faire des choix difficiles en l’absence de renseignements concernant la manière dont se comporteraient en réalité les candidats à l’adhésion dans le cadre des négociations du PTPGP. Ce n’est que lorsque les programmes des candidats – concernant des points tels que le contingent tarifaire pour le commerce des biens, les listes de réservations pour services et investissements ou les listes d’entités à capitaux publics couvertes ou exclues – sont échangés entre les parties que les participants sont capables d’évaluer de manière plus efficace la probabilité de répondre aux normes rigoureuses de l’accord. La gestion des adhésions dans le cadre d’un exercice du groupe de dialogue limiterait les ressources nécessaires pour conclure avec succès les discussions et raccourcirait de manière significative le temps nécessaire pour mettre en œuvre le développement.

Deborah Elms

Deborah Elms, Ph. D., est directrice de la politique commerciale de la Fondation Hinrich à Singapour. Avant de rejoindre la Fondation, elle a été fondatrice et directrice générale de l’Asian Trade Centre (ATC). Elle a également été présidente de l’Asia Business Trade Association (ABTA) et a siégé au conseil d’administration de l’Asian Trade Centre Foundation (ATCF).

Mme Elms siège au conseil d’administration du Trade and Investment Negotiation Adviser (TINA) à l’UN Economic and Social Commission for Asia Pacific (UNESCAP). Elle a fait partie du conseil consultatif international de l’APCO (2021-2023) et a été membre du comité technique consultatif international de la Global Trade Professionals Alliance puis directrice du groupe de travail sur la politique et le droit du commerce. Elle a également été membre du Conseil du commerce et de l’investissement du Forum Économique Mondial de 2018 à 2020.