Rapport sommaire : Renforcer la résilience quant à l’avenir des minéraux critiques du Canada

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Le 4 septembre, la Fondation Asie Pacifique du Canada a animé une discussion sur le positionnement stratégique du Canada au sujet des minéraux critiques. L’événement a marqué le lancement du centre sur les minéraux critiques de la région indo-pacifique de la FAP Canada, une initiative de la FAP Canada soutenue par l’Université d’Ottawa, qui fournira des évaluations interdisciplinaires factuelles de l’évolution du paysage de la politique des minéraux critiques dans l’Indo-Pacifique afin d’éclairer les débats et la politique du Canada.

Deux conférenciers de marque, Pascale Massot, professeure agrégée à l’Université d’Ottawa, éminente spécialiste de l’économie politique et de la stratégie des matières premières de la Chine et titulaire d’une bourse de recherche John H. McArthur de la FAP Canada, et Constantine Karayannopoulos, chef de file chevronné du secteur des minéraux critiques et des terres rares, ont examiné avec la modératrice Vina Nadjibulla, vice-présidente, Recherche et stratégie de la FAP Canada, comment le Canada peut passer de l’ambition à l’action grâce à une stratégie sectorielle qui équilibre les possibilités économiques, la géopolitique et les intérêts nationaux à long terme.


Mme Massot a souligné l’importance d’adapter le défi chinois dans la chaîne d’approvisionnement en minéraux critiques. Si la Chine contrôle la majorité de la capacité de raffinage mondiale (97 % pour le cobalt, 96 % pour les terres rares, 98 % pour le graphite et 83 % pour le cuivre), cette emprise n’est pas uniquement due à des normes environnementales peu contraignantes, mais plutôt à la stratégie et aux investissements soutenus et à grande échelle de Beijing. Néanmoins, la Chine présente des faiblesses : elle dépend à plus de 50 % des importations pour plus de la moitié des minéraux critiques non combustibles qu’elle consomme, et ses secteurs en aval sont confrontés à des pressions croissantes sur les marchés mondiaux.

Elle a également invité le Canada à adapter le défi américain. La stratégie suivie par le Canada depuis l’administration du président américain Joe Biden pourrait ne plus être adaptée à l’évolution rapide du paysage américain, où la déréglementation et le recul des objectifs climatiques pourraient attirer les capitaux vers le sud.

M. Karayannopoulos, qui s’appuie sur des décennies d’expérience dans le secteur des terres rares, notamment en tant que premier investisseur étranger dans le secteur chinois des terres rares, a fait remarquer que l’Occident « dormait au volant » et qu’il était loin derrière ses concurrents qui se targuent d’avoir des stratégies coordonnées à long terme dans le domaine des minéraux critiques.

Il a souligné que la domination actuelle de la Chine est le fruit de décennies d’investissements publics délibérés dans la R et D, le développement des compétences et les secteurs en aval. En revanche, le Canada manque de capacités nationales de raffinage et de fabrication d’aimants, ce qui oblige les ressources minières comme le lithium et les terres rares à s’écouler à l’étranger, principalement en Chine, tandis que les petites entreprises luttent pour obtenir des financements dans le cadre des restrictions imposées aux investissements chinois. Pour remédier à cette situation, il a appelé à la création d’une raffinerie de lithium de classe mondiale au Canada afin d’assurer l’écoulement et de soutenir les mines locales.

Il a également fait remarquer que les mines canadiennes manquent de clients, soulignant que le programme de subventions de plusieurs milliards de dollars du Canada pour la fabrication de véhicules électriques (VE) au cours des 15 prochaines années n’avait pas l’obligation morale d’exiger des fabricants qu’ils utilisent des minéraux critiques canadiens. Sans ces conditions, le Canada risque de subventionner un secteur qui restera dépendant des chaînes d’approvisionnement étrangères, notamment chinoises.

Plus généralement, il a exhorté Ottawa à repenser son approche des investissements étrangers et à adopter une stratégie sectorielle rationnelle et à long terme qui soutiendrait non seulement l’extraction des ressources, mais aussi la transformation intermédiaire et la production à valeur ajoutée.

Enfin, il a souligné que la stratégie sectorielle ne peut réussir sans le développement des compétences. L’Amérique du Nord ne dispose pas de l’expertise chimique et métallurgique que la Chine a acquise. Il a demandé aux universités canadiennes de canaliser les talents et de les encourager dans la recherche et la formation sur les minéraux critiques afin de créer la prochaine génération d’experts.

Dans ses remarques finales, la professeure Massot a quant à elle formulé quatre observations, qui serviront toutes à orienter les travaux du centre sur les minéraux critiques de la région indo-pacifique.

Tout d’abord, la stratégie actuelle du Canada est trop générale, avec une liste de six minéraux prioritaires sans suffisamment de précision. Ottawa devrait tenir compte des écosystèmes sectoriels, comme l’aérospatiale et l’automobile, et reconnaître que de nombreux minéraux critiques sont des sous-produits des activités minières existantes.

Deuxièmement, le Canada doit se coordonner avec d’autres pays, d’autant plus que les institutions multilatérales s’affaiblissent. Si le Canada a renforcé ses liens avec des partenaires traditionnels comme l’Allemagne, l’Asie a été largement absente de ces efforts, même si de nombreux partenaires de l’Indo-Pacifique sont au cœur des chaînes de valeur mondiales.

Troisièmement, la délocalisation n’est pas en soi une recette pour la résilience, et il n’est pas logique d’appliquer des seuils de dépendance uniformes à tous les minéraux. Le Canada devrait rechercher une « résilience asymétrique » en recalibrant les dépendances, plutôt qu’en les éliminant, et trouver des situations acceptables pour différents minéraux et utilisations finales. En même temps, le Canada devrait adopter une approche plus affirmée dans l’établissement de partenariats avec des pays tiers, en particulier en Amérique latine, où la Chine est déjà profondément engagée.

Enfin, nous devons nous méfier de la militarisation non contrôlée des ressources. Si la sécurisation est inévitable, la poursuite de l’escalade pourrait compromettre la stabilité mondiale et les objectifs de résilience du Canada. Une approche équilibrée doit également inclure des engagements en matière de transparence, de libre accès et de garantie.

Karen Hui

Karen Hui est chercheuse-boursière au sein de l'équipe Grande Chine de la Fondation Asie-Pacifique du Canada. Titulaire d'une maîtrise en sociologie de l'Université chinoise de Hong Kong, elle se spécialise dans la recherche politique et universitaire liée au développement social sous des angles critiques, en particulier le travail, les mouvements sociaux, la santé publique et la chaîne d'approvisionnement.

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