L’évolution politique au Bangladesh se déroule à un rythme et d’une façon qui, jusqu’à tout récemment, étaient inimaginables. Tout a commencé au début juillet lorsque des étudiants ont organisé des séries de protestations pour s’opposer à un système de quota sur l’attribution des emplois qu’ils estiment basé sur le favoritisme politique. Au cours des semaines qui ont suivi, les protestations ont tellement pris d’ampleur et d’intensité qu’en date du lundi 5 août, elles avaient fait au moins 300 morts et avaient provoqué la démission de la première ministre Sheikh Hasina, qui semblait autrefois invincible.
• Consultez notre récent article explicatif pour une description complète de ce qui a alimenté le mouvement de protestation.
Ce mardi, l’armée est intervenue pour essayer de contenir le chaos qui s’était emparé de certaines parties de Dacca, la capitale, et le président Muhammed Shabuddin, qui exerçait un rôle cérémonial, a dissous le parlement. Pendant ce temps, une coalition constituée à la hâte (formée de chefs d’entreprise, de leaders étudiants, de politiciens, d’activistes de la société civile et de militaires) s’est précipitée pour combler le vide laissé par le départ précipité de Mme Hasina en Inde, le pays voisin.
Mercredi, Muhammad Yunus, qui a gagné un prix Nobel pour son travail sur le microfinancement, a annoncé qu’il dirigera un gouvernement intérimaire. Au moment de l’annonce, M. Yunus était à Paris pour assister aux Jeux olympiques, ce qui démontre à quel point les premiers jours suivant le départ de Mme Hasina étaient imprévus et improvisés.
Des questions sur la stabilité politique et économique se profilent
La principale préoccupation à laquelle le Bangladesh fait face est de déterminer en combien de temps l’ordre et la stabilité pourront être restaurés dans ce pays sud-asiatique comptant plus de 171 millions d’habitants, ce qui pourrait s’avérer être un défi après le déclenchement d’une grève par le syndicat de police ce mardi. Bien que le syndicat se soit excusé pour son implication dans la violence, il reste à constater si les manifestants en seront satisfaits; ils pourraient continuer de demander des comptes pour les centaines de personnes tuées durant les mesures répressives, ce qui affaiblirait davantage la confiance du public envers la police.
Une autre question est de savoir si le parti au pouvoir de Mme Hasina, la Ligue Awami, se réunifiera après que son image a été tachée par la brutalité de l’intervention face aux protestations. Il est également difficile de déterminer si le parti d’opposition, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), pourra rétablir la stabilité et la croissance économique du pays. Lorsque le BNP a été au pouvoir pour la dernière fois, de 2001 à 2006, il a été accusé de dysfonctionnement et de corruption.
Tant le gouvernement intérimaire que celui qui le remplacera devront agir rapidement pour répondre aux questionnements de la communauté internationale. Le Fonds monétaire international s’est notamment engagé à renflouer les coffres du Bangladesh de 4,7 milliards de dollars après la pandémie de COVID-19 pour soutenir son économie, dont l’industrie du prêt-à-porter qui équivaut à 83 % des recettes d’exportation du pays. Ce secteur ainsi que l’économie dans son ensemble s’efforcent de regagner son rythme après que la récente crise a pratiquement amené la production et les exportations au point mort.
• Lisez les commentaires de Vina Nadjibulla, vice-présidente recherche et stratégie de la FAP Canada, dans cet article de Megha Bahree pour Al Jazeera sur la nature des événements récents au Bangladesh et sur ce qui est anticipé pour la suite.
Cette semaine, les gouvernements étrangers ont exprimé à la fois préoccupations et espoir. Le Canada a « condamn[é] fermement » les récents événements, dont « les violations des droits de la personne, les décès, la torture, les arrestations arbitraires et la force meurtrière utilisée » et a exhorté « toutes les parties à respecter et à faire respecter les institutions et les processus démocratiques ainsi que l’état de droit. »
L’Inde, l’allié le plus inébranlable du Bangladesh, a réitéré que les « relations entre l’Inde et le Bangladesh ont été étroites durant plusieurs décennies » et « au fil de nombreux gouvernements ». Toutefois, après avoir accordé le droit de passage à Sheik Hasina vers New Delhi, l’Inde pourrait avoir plus de difficultés à établir des liens à court terme avec le nouveau gouvernement intérimaire du Bangladesh.
• Pour en savoir plus sur les implications internationales de la crise au Bangladesh, consultez notre nouvel article explicatif.