La politique asiatique de Trump est source de problèmes pour la Chine et d’incertitude pour ses alliés

La vision floue du président élu Donald Trump en matière de politique étrangère – obscurcie et contredite par les phrases-chocs qu’il a prononcées pendant la campagne, les engagements qu’il a pris dans son programme électoral et sa politique passée – a commencé à se cristalliser cette semaine lorsqu’il a nommé des faucons anti-Beijing et des protectionnistes de l’« Amérique d’abord » à des postes clés de son administration, ce qui laisse présager davantage de confrontations avec Beijing, une plus grande pression sur le Canada et plus de travail pour les alliés asiatiques.

Lors du premier mandat de l’administration Trump, les alliés européens – en particulier les membres « délinquants » de l’OTAN – ont été la cible de ses critiques. Les partenaires asiatiques s’en sont un peu mieux sortis.

Mais le passé n’a pas toujours une incidence sur l’avenir : Trump est considéré par certains comme « imprévisible » et « transactionnel » lorsqu’il élabore ses politiques et préfère les négociations en tête-à-tête à la diplomatie traditionnelle, ce qui rend les pourparlers entre dirigeants particulièrement importants.

Son retour à la Maison-Blanche poussera probablement davantage d’États de l’Indo-Pacifique à adopter une stratégie de « couverture » afin d’équilibrer l’influence de Beijing et de Washington et ainsi d’atténuer les effets d’un président américain plus erratique. 
 

Passer la douane : Ottawa se prépare aux barrières tarifaires de Trump

Lors de sa campagne électorale, Trump a laissé entendre qu’il imposerait des droits de douane de 10 à 20 % sur tous les produits entrant aux États-Unis, y compris ceux en provenance du Canada, et des droits de douane de 60 % sur tous les produits chinois.

Les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis seraient probablement mises à rude épreuve si le président mettait en œuvre ses droits de douane majorés à l’encontre de la Chine. Ottawa avait décidé d’emboîter le pas aux droits de douane imposés par le président américain Joe Biden sur l’aluminium, l’acier et les véhicules électriques chinois afin de « protéger » les travailleurs canadiens. Mais le recours à des « droits de douane chinois » plus élevés entraînerait probablement des représailles de la part de Beijing et se traduirait par une augmentation des coûts pour les consommateurs et les entreprises du Canada.

Ottawa devra concilier son désir de rester en phase avec les États-Unis – la destination de 77,4 % de toutes les exportations canadiennes en 2023 – avec le maintien d’un système commercial fondé sur des règles et l’approfondissement des relations commerciales avec ses partenaires asiatiques, en particulier ceux qui se trouvent en Asie du Sud-Est.

Au lendemain de l’élection américaine, la ministre canadienne des Finances, Chrystia Freeland, a déclaré qu’en ce qui concernait la Chine, elle était « tout à fait d’accord » avec Robert Lighthizer, l’ancien responsable du commerce de Trump, et qu’elle partageait les inquiétudes des États-Unis quant à la « surcapacité intentionnelle » de Beijing.

M. Lighthizer devrait jouer un rôle central dans la prochaine administration de Trump et préparerait un plan tarifaire « musclé ». La fixation de Trump sur la résolution des déficits commerciaux pourrait toutefois causer des maux de tête à des partenaires asiatiques tels que Taïwan, la Corée du Sud et le Vietnam, qui affichent tous des excédents commerciaux de plus en plus importants avec les États-Unis.
 

L’équipe chargée de la politique étrangère de Trump

Mardi, Trump a nommé le représentant Michael Waltz, un fervent opposant à la Chine, au poste de conseiller à la sécurité nationale, lui qui fera probablement pression sur Ottawa pour accroître les dépenses en matière de défense. Waltz a écrit l’année dernière que « le [parti communiste chinois était] engagé dans une nouvelle guerre froide avec les États-Unis », faisant écho aux commentaires du sénateur Marco Rubio, choisi par Trump pour occuper le poste de secrétaire d’État.

Le ministre de la Défense choisi par Trump, le présentateur de Fox News Pete Hegseth, âgé de 44 ans, a déclaré dans une émission diffusée sur YouTube la semaine dernière que « la Chine [était] en train de construire une armée spécialement destinée à vaincre les États-Unis » et que l’OTAN était « totalement corrompue ».

Waltz semble optimiste à l’égard de l’Inde, lui qui a affirmé en 2021 que les États-Unis auraient avantage à « former une alliance » avec ce pays, en partie pour contrebalancer l’influence de la Chine en Asie. Le Canada, qui a compté sur le soutien de Washington dans son conflit diplomatique avec New Delhi, pourrait être désavantagé si Trump se montre plus indulgent avec son « grand ami », le premier ministre indien Narendra Modi.

La lutte contre la répression transnationale et la promotion des droits de la personne à l’étranger risquent d’être reléguées au second plan sous la présidence de Trump.
 

Le sort des regroupements « minilatéraux »

Trump pourrait accorder moins d’attention à l’ANASE que son prédécesseur. Il pourrait également saborder le Cadre économique Indo-Pacifique pour la prospérité de Joe Biden.

L’alliance « Quad », ravivée en 2017, semble avoir un pouvoir plus durable, Trump ayant fait l’éloge de l’initiative en 2020. Le conseiller à la sécurité nationale Waltz, quant à lui, semble soutenir l’AUKUS, le partenariat de défense entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis.