Au cours des trois dernières semaines, la Corée du Nord a provoqué sa voisine au sud en misant sur une stratégie alliant des tactiques alarmistes éprouvées à des méthodes plus récentes et peu orthodoxes.
Depuis la fin du mois de mai, Pyongyang a envoyé en Corée du Sud plus de 1 000 ballons remplis d’ordures (lesquels transportaient, selon les cas, des mégots de cigarettes, des bouts de papier et des excréments), brouillé les radars et tiré des missiles balistiques en mer. Dimanche, plusieurs soldats nord-coréens ont franchi la frontière de démarcation militaire, apparemment par inadvertance, ce qui a incité leurs homologues sud-coréens à lancer des tirs d’avertissement.
Cette semaine, Séoul a dépoussiéré plusieurs de ses haut-parleurs surélevés et, pour la première fois depuis des années, a diffusé à plein volume des nouvelles internationales et de la K-pop, notamment des chansons de BTS, le très populaire boys band sud-coréen, de l’autre côté de la frontière. Pyongyang se préparerait toutefois à rendre la monnaie de sa pièce à sa voisine méridionale, menaçant de transformer la zone démilitarisée truffée de mines en une cacophonie de propagande et de musique concurrente.
Tae Yeon Eom, chercheur-boursier spécialiste de l’Asie du Nord-Est pour la FAP Canada, a déclaré à Observatoire Asie que, bien que ces incidents puissent déstabiliser les citoyens sud-coréens, les tactiques utilisées rappellent beaucoup les querelles passées. M. Eom a ajouté que les événements récents représentaient un retour à des tensions qui n’avaient pas été observées depuis 2018, année où Pyongyang et Séoul ont conclu un accord de paix historique.
La tension monte à la frontière
Le 27 mai, la Corée du Nord a tenté de lancer son deuxième satellite-espion, événement qui coïncidait avec un sommet entre la Chine, le Japon et la Corée du Sud. La fusée transportant le satellite a cependant explosé en plein vol. Le lendemain, Pyongyang a fait passer son premier lot de « ballons poubelles » au-dessus de la frontière.
Après ce premier incident, le Conseil national de sécurité de la Corée du Sud a annoncé que Séoul allait « suspendre » l’accord de paix de 2018, rétablissant ainsi la surveillance aérienne et l’entraînement de l’armée sud-coréenne le long de la zone démilitarisée. Pyongyang a déclaré en 2023 qu’elle avait l’intention d’abandonner complètement l’accord.
L’état général de la sécurité en Asie du Nord-Est
M. Eom, de la FAP Canada, a indiqué que les États-Unis avaient « exprimé leur inquiétude face à la montée des tensions et exhorté la Corée du Nord à désamorcer la situation ». Lundi, des responsables de la défense de la Corée du Sud et des États-Unis se sont rendus à Séoul pour participer à la troisième réunion du groupe consultatif nucléaire, un organisme bilatéral créé il y a un an pour discuter de la menace nucléaire que pose la Corée du Nord. Selon un communiqué publié par le gouvernement américain, les deux parties ont fait des progrès en matière de protocoles pour l’échange d’information et la sécurité, de communication en cas de crise, etc.
Plus tôt ce mois-ci, des hauts fonctionnaires canadiens et sud-coréens ont participé à un dialogue bilatéral annuel sur les droits de la personne en Corée du Nord. Quelques jours plus tard, la Mongolie, l’un des rares pays suffisamment « neutres » pour organiser des réunions avec des responsables nord-coréens, a accueilli le dialogue d’Oulan-Bator sur la coopération régionale en matière de sécurité, auquel étaient également invités des délégués canadiens tels que Vina Nadjibulla, vice-présidente, Recherche et stratégie, de la FAP Canada.
Mme Nadjibulla a déclaré à Observatoire Asie que la relation plus étroite entre la Corée du Nord et la Russie compliquait un environnement de sécurité déjà tendu dans le Pacifique Nord. Elle a fait remarquer que le Canada collaborait depuis des années avec des partenaires de la région pour la dénucléarisation de la Corée du Nord et que, dans le cadre de sa stratégie indo-pacifique, il pouvait jouer un rôle encore plus actif.