Le début du mois de mars s’est avéré difficile pour le Canada alors que ses deux plus importants partenaires commerciaux menacent de lui imposer des droits de douane à grande échelle (et dont les taux changent en permanence), plongeant dans l’incertitude une économie dépendant des exportations au moment où un nouveau premier ministre reprend les rênes et à l’approche d’une élection printanière.
Vendredi dernier, Beijing a annoncé son intention d’imposer des droits de douane de 100 % sur l’huile, la farine et les graines de canola canadiens ainsi que des droits de 25 % sur les produits des fruits de mer et du porc. Les droits, qui ciblent des exportations d’une valeur d’environ 3 milliards $ CA, soit environ 10 % du total des exportations canadiennes vers la Chine, devraient entrer en vigueur le 20 mars.
La décision de Beijing est liée à une « enquête antidiscrimination » lancée en septembre 2024. Cette enquête découlait de la décision d’Ottawa d’imposer des droits de douane de 100 % sur les véhicules électriques chinois et de 25 % sur l’aluminium et l’acier chinois, soit les mêmes pourcentages que les droits de douane américains sur ces produits.
Dans une déclaration faite samedi, trois ministres canadiens, y compris la ministre du Commerce Mary Ng, ont souligné que « le Canada n’accept[ait] pas le postulat de l’enquête chinoise, ni ses conclusions. » Les ministres étaient « profondément déçus », mais ont insisté sur le fait que « le Canada [était] néanmoins disposé à entamer un dialogue constructif » avec Beijing.
Les exportations canadiennes de graines de canola vers la Chine, dont la valeur s’établit à environ 4 milliards $ CA par année, ont été exemptées des droits de douane, laissant à Beijing la possibilité de négocier (ou d’aggraver la situation). Le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, a demandé à Ottawa de résoudre le conflit avec la Chine « le plus rapidement possible », tandis que le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, a déclaré ne pas souhaiter « être coincé entre les deux plus grandes économies au monde ».
Pris entre l’arbre et l’écorce
Les droits de douane chinois ont peut-être été imposés stratégiquement dans le but d’effrayer une économie canadienne déjà perturbée par les décisions intermittentes du président américain Donald Trump quant aux tarifs douaniers.
Les droits de douane de la Chine pourraient aussi constituer un avertissement. La ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly a déclaré récemment qu’Ottawa serait disposée à discuter avec les États-Unis, qui souhaitent voir imposer au Canada (et au Mexique) les mêmes droits de douane de 20 % imposés à la Chine. Joly a déclaré que le ministre canadien des Finances Dominic LeBlanc et elle discuteraient de cette approche « forteresse Amérique du Nord » avec leurs homologues américains.
La politique commerciale instable de Trump a déstabilisé les investisseurs, l’indice S&P 500 ayant chuté de près de 7 % depuis le jour de son investiture. Le Wall Street Journal a écrit cette semaine que si Trump « veut atténuer les risques de récession, il serait sage de suspendre ses projets de droits de douane. »
Carney prend les rênes
Le premier ministre canadien désigné Mark Carney a déclaré mardi que les droits de douane de Trump constituaient « une attaque contre les familles, les entreprises et les travailleurs canadiens ».
Joly accueillera le secrétaire d’État de Trump, Marco Rubio, cette semaine à Charlevoix, au Quebec, ainsi que d’autres ministres des affaires étrangères du G7, lors d’une réunion qui promet de comporter son lot de tensions. Lundi, Rubio a parlé de tensions minimes avec le Canada.
Le même jour, un porte-parole du gouvernement japonais a qualifié le Canada de « partenaire stratégique important dans la région indo-pacifique » et a félicité Carney pour sa nomination à la tête du Parti libéral. Tokyo s’est engagée à « garantir que le G7 demeure uni ».