La large victoire du parti progressiste Move Forward aux élections générales de dimanche 14 mai en Thaïlande pourrait marquer un tournant dans le rôle de l'armée et de la monarchie dans la politique du pays. Le parti Move Forward a fait campagne sur un programme visant à réduire le pouvoir de ces deux institutions, ce qui lui a valu la faveur des électeurs, mais le place désormais dans le collimateur de ses collègues législateurs, qui restent de fervents défenseurs de ces institutions.
Un nouveau venu
Move Forward est relativement nouveau sur la scène politique thaïlandaise. Le parti est une reconstitution du Parti Future Forward (« Nouvel Avenir »), qui a été lancé en 2018 mais a été contraint de se dissoudre après qu'un tribunal a statué que ses finances avaient violé les lois électorales.
Certains des plus fervents partisans de Move Forward sont des jeunes qui ont participé aux manifestations de 2020 et 2021 en raison de leur frustration à l'égard de la trajectoire démocratique du pays. L'une des causes de cette frustration est la lèse-majesté, la loi qui rend l'insulte à la monarchie passible d'une peine pouvant aller jusqu'à 15 ans d'emprisonnement. Le gouvernement actuel, proche de l'armée, qui n'a pas obtenu de bons résultats lors des élections de dimanche, a inculpé plus de 240 manifestants en vertu de cette loi.
Des différences irréconciliables ?
Le clivage entre ceux qui veulent protéger le rôle de l'armée et de la monarchie dans la politique thaïlandaise et ceux qui souhaitent le remettre en question est déjà en train de devenir une ligne de fracture majeure. Move Forward a formé une coalition de huit partis, mais il lui manque 63 sièges pour atteindre les 376 nécessaires à la formation d'un gouvernement. Plusieurs sénateurs, tous nommés par l'armée et influents à l'Assemblée nationale, qui élit en dernier ressort le premier ministre du pays, ont indiqué qu'ils voteraient contre Pita Limjaroenrat, le choix de Move Forward pour le poste de premier ministre. Les observateurs craignent qu'une impasse sur cette question ne mette en colère les électeurs avides de changement, ce qui pourrait déclencher une nouvelle vague de protestations et d'instabilité.