Canada, l’Inde et le chemin à parcourir au-delà du G7

Le premier ministre canadien, Mark Carney (C), préside un dîner d’affaires au G7 en juin 2025.
Le premier ministre canadien, Mark Carney (C), préside un dîner d’affaires en compagnie de chefs d’État, dont le premier ministre indien Narendra Modi, ainsi que d’autres représentants de pays partenaires lors du sommet du G7 à Kananaskis, en Alberta, au Canada, le 17 juin 2025.

Alors que l’enthousiasme autour du G7 atteignait sa fin, il convient de réfléchir à l’état des relations Canada–Inde.

En apparence, des progrès notables ont été accomplis. Le compte rendu du premier ministre Mark Carney sur la rencontre bilatérale avec le premier ministre Narendra Modi était concis et professionnel, marquant un net écart par rapport aux pratiques anciennes. L’annonce du retour des hauts-commissaires est significative, particulièrement parce que cette décision s’accompagne du retour de l’ensemble du personnel diplomatique. De tels liens sont essentiels pour forger les réseaux officiels, d’affaires et de société civile nécessaires à une relation bilatérale saine, d’autant plus qu’il s’agit d’une relation de grande ampleur et complexité. L’approfondissement et la compréhension de la relation officielle, y compris sur le volet sécuritaire, renforceront des liens économiques et interpersonnels robustes, de plus en plus essentiels.

Pour ceux qui s’inquiètent, y compris au sein des rangs libéraux, le premier ministre Carney, en tant que président du G7, a probablement eu peu de choix que d’inclure le premier ministre Modi dans les invitations pour Kananaskis. Au-delà de l’intérêt du Canada d’inviter le premier ministre à la table, les autres leaders du G7, qui entretiennent tous des relations sérieuses et de plus en plus stratégiques avec l’Inde, auraient attendu sa présence. Les conséquences de ne pas l’avoir invité auraient été considérables : endommageant davantage des relations bilatérales déjà difficiles et mettant en évidence, lors d’une rencontre médiatisée, les liens tendus avec les deux pays les plus peuplés du monde, l’Inde et la Chine.

Cette relation est importante, particulièrement pour le Canada, mais aussi de plus en plus pour l’Inde, à mesure que le chaos de l’administration de Donald Trump se propage. Les premiers espoirs indiens d’un engagement mutuellement bénéfique avec la deuxième administration Trump se sont érodés à cause des tarifs douaniers, de la communication incohérente et des provocations désinvoltes de Trump à l’égard des relations Canada–Pakistan, entre autres sujets. Après chaque nouvelle tournure à Washington, l’argumentaire à Ottawa comme à Delhi en faveur d’un raffermissement des relations entre le Canada et l’Inde gagne en force. La concentration s’est portée sur les intérêts communs, de nature économique, stratégique et multilatérale, tout en prenant conscience et en gérant les différences.

Les épreuves à court terme façonneront cette réinitialisation, en particulier au niveau officiel. D’ailleurs, cette semaine en a connu une : le 40e anniversaire des attentats sur le vol 182 d’Air India par les extrémistes khalistanis basés en Colombie-Britannique. L’autre épreuve serait probablement des développements gênants dans les procédures légales relatives au meurtre en 2023 du citoyen canadien et activiste khalistanais Hardeep Singh Nijjar, prétendument par des agents de l’Inde.

Concernant le premier événement, l’anniversaire a été marqué par un soin et une attention tout particuliers et compréhensibles. En plus d’une couverture médiatique de longue durée, cela a permis d’attirer l’attention sur cet acte terroriste, qui reste le plus meurtrier de l’histoire du Canada. Cependant, l’influence politique complexe du mouvement khalistanais au Canada au fil des décennies demeure largement non débattue. La représentation politique des événements commémoratifs canadiens était limitée : aucun ministre fédéral ou provincial n’a été rapporté présent aux cérémonies à Vancouver, Toronto ou Montréal. Il était cependant encourageant que les chefs de la GRC et du SCRS aient pris la parole à l’événement d’Ottawa, aux côtés de trois députés locaux. La représentation ministérielle a eu lieu à un événement commémoratif en Irlande, où le ministre canadien de la Sécurité publique a rejoint le premier ministre irlandais et un haut responsable ministériel indien.

Quant à l’affaire Nijjar, on ne peut qu’espérer que le processus légal fournira une issue pour sortir du dysfonctionnement actuel dans les relations officielles. Des preuves émergentes d’enquêtes privées et de procédures judiciaires seront plus difficiles à ignorer ou à écarter que les accusations au niveau politique.

Il était également notable que les chefs du G7 ont publié une déclaration conjointe sur la lutte contre la répression transnationale, une démarche qui ne passera pas inaperçue à Delhi, compte tenu des accusations émises tout au long de l’année dernière. Mais la crédibilité du Canada sur cette question ne reposera pas sur des énoncés, mais sur des actions au niveau national, particulièrement dans la mise en œuvre d’un registre fiable d’agents étrangers. Une telle démarche signalerait que le Canada n’est plus une cible facile pour l’ingérence, quelle qu’en soit la source.

En dépit de la sévérité de la fracture, le chevauchement des intérêts canadiens et indiens n’a fait que s’accroître au milieu des turbulences mondiales. Il est réconfortant que l’engagement des entreprises et des organismes non gouvernementaux, y compris la Fondation Asie-Pacifique du Canada, n’a jamais cessé. Il est temps de rebâtir plus largement : en élargissant les liens de la société civile, du secteur privé et des instances officielles afin de fournir le lest dont cette relation a besoin pour tempérer les tensions inévitables.

Les intérêts stratégiques du Canada, et sa crédibilité en tant qu’acteur international sérieux, requièrent qu’il aborde sa relation avec l’Inde avec clarté et engagement, guidé par ses valeurs, éclairé par le réalisme et à travers une approche pansociétale.

David McKinnon

David McKinnon est un ancien diplomate canadien. Sa carrière s'est fortement concentrée sur l'Indo-Pacifique, avec notamment des affectations à Bangkok, Canberra (deux fois), Delhi et Colombo.

Il a été haut-commissaire du Canada au Sri Lanka et aux Maldives (2017-22).

The Case for Re-engaging India Ottawa's Opportunity to Reset Canada-Sri Lanka Relations