L’accent mis sur les tarifs douaniers détourne l’attention des débouchés commerciaux à la plus forte croissance au Canada

Girl with computer

Avec la dernière menace tarifaire de 35 % du président américain Donald Trump, les discussions commerciales nationales et les manchettes sont, on le comprend, une fois de plus fixées sur les tarifs douaniers touchant les marchandises et sur les mesures à prendre.

En tant qu’économie relativement petite et ouverte, le Canada dépend fortement du commerce – en particulier avec son voisin et le plus grand marché du monde – pour maintenir son niveau de vie. Mais en se concentrant uniquement sur les biens matériels, on risque de manquer une occasion majeure. La catégorie d’exportation canadienne qui connaît la croissance la plus rapide n’est pas celle du pétrole ou des automobiles, mais plutôt des services fournis par voie numérique.

Ces services sont fournis à distance ou vendus sur des plateformes numériques. Les services numériques ne s’encombrent pas des frontières physiques. Ils passent par le code, les plateformes et les flux de données mondiaux. Au cours des 20 dernières années, ils ont connu une croissance près de quatre fois supérieure à celle des autres exportations canadiennes, mais ils demeurent largement absents des discussions commerciales nationales.

Un nouveau rapport de la Fondation Asie Pacifique du Canada souligne que les services numériques représentent maintenant près des deux tiers des exportations de services commerciaux du Canada. La croissance est la plus forte dans les secteurs tels que les logiciels, l’ingénierie, les services audiovisuels et les services-conseils en TI.

Les services numériques sont aussi la part du commerce mondial qui connaît la croissance la plus rapide. Depuis 2005, ils affichent une hausse trois fois plus rapide que le commerce mondial des marchandises. Leur part des exportations mondiales totales de services est passée de 30 % à plus de 50 %.

Les importateurs de services numériques qui connaissent la croissance la plus rapide sont l’Indonésie, le Vietnam, le Chili, le Pérou, les Philippines et l’Inde, où la demande de solutions numériques augmente rapidement dans des secteurs tels que les technologies de l’information, les technologies financières et le commerce électronique. De nombreux marchés à croissance rapide importent désormais plus de services numériques que de biens traditionnels.

La collaboration infonuagique, la traduction linguistique fluide et instantanée et les plateformes numériques accélèrent ce changement. Les nouveaux développements en matière d’intelligence artificielle (IA) élargissent encore l’offre commerciale mondiale.

Le Canada dispose des bases nécessaires pour saisir cette occasion. Le pays compte des chercheurs en IA de calibre mondial, des entreprises dotées de technologie numérique et des liens avec les marchés numériques émergents. Les Canadiens font également partie des plus grands utilisateurs mondiaux d’outils d’IA générative.

Le gouvernement fédéral a maintenant un ministre dédié à l’IA et à l’innovation numérique. Les décideurs commerciaux canadiens ont été des chefs de file dans l’inclusion de dispositions numériques dans les accords commerciaux. L’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) et l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) contiennent déjà des règles sur le commerce numérique moderne et le Canada vient d’annoncer un nouvel accord commercial numérique qui sera négocié parallèlement à l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne.

Toutefois, malgré tous ces outils, le Canada est encore loin de répondre aux attentes. Nos exportations de services numériques ont rapidement augmenté, mais notre part du marché mondial reste inférieure à 3 %. Ce qui nous classe bien loin derrière le Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas.

Ottawa doit recadrer les discussions commerciales du Canada en vue de l’ère numérique et de l’IA. Le commerce numérique connaît une croissance rapide, fait l’objet de restrictions différentes de celles du commerce physique, dépend moins de la géographie et correspond aux forces relatives du Canada.

Le Canada devrait adopter un objectif national clair : doubler sa part des exportations mondiales de services numériques d’ici 2030 et faire en sorte qu’au moins la moitié aille vers des marchés autres que l’Amérique du Nord. Cette cible attirerait l’attention nationale et fournirait un point de référence pour les progrès réalisés dans un secteur en croissance rapide de l’économie mondiale. Ces réalisations aideraient aussi à cerner et à surmonter les obstacles auxquels les exportateurs numériques doivent faire face.

Le Canada offre déjà son soutien par l’entremise de délégués commerciaux et de financement des exportations, mais ces efforts sont rarement coordonnés autour d’un objectif commun. De plus, les responsables de l’IA et de l’innovation numérique ne coordonnent pas leurs activités avec celles des responsables du commerce. Une cible claire relierait ces discussions.

Les entreprises canadiennes des secteurs traditionnels comme la fabrication, l’agroalimentaire et l’exploitation minière pourraient aussi bénéficier de l’intégration de services numériques à leurs exportations. Les données sur les intrants des services numériques montrent toutefois que la plupart n’adoptent pas ces intrants de manière significative. Le renforcement du commerce des services numériques soutiendrait ces secteurs en rendant leur offre plus compétitive et plus résiliente dans le contexte de la crise commerciale.

Les décideurs politiques devraient considérer le commerce numérique comme étant au cœur de la stratégie économique du pays. Le Canada dispose des outils dont il a besoin pour tirer parti des nouvelles possibilités commerciales déjà présentes.

L’accent accru mis sur le commerce numérique contribue également à réduire les risques pour l’ensemble du portefeuille commercial du Canada. Il élargit les types de commerce et les marchés pour ce commerce, rendant l’économie canadienne plus résiliente face au coup de fouet tarifaire de Trump 2.0.

Cet article a été publié pour la première fois par le Financial Post le 21 juillet 2025.

The views expressed here are those of the authors, and do not necessarily represent the views of the Asia Pacific Foundation of Canada.

Kati Suominen

Kati Suominen Ph.d est fondatrice et PDG de Nextrade Group. Elle conçoit et dirige les engagements de Nextrade Group auprès de plus de 50 clients de l'entreprise. Elle a conçu et développé des dizaines de produits de données et d'analyse, des initiatives pilotes et huit initiatives mondiales et partenariats public-privé pour aider les clients de Nextrade à faciliter le commerce mondial grâce à la technologie.

Autrice et rédactrice en chef de plus de 120 articles et de 10 ouvrages à comité de lecture sur le commerce, la mondialisation et la technologie, Kati a prononcé de nombreuses conférences et discours lors d'événements tels que Davos, l'Organisation mondiale du commerce, le Symposium mondial sur le commerce, la Global Trade Review, la Commission bancaire de la CCI, l'Institut de la finance internationale, le FMI et la Banque mondiale, ainsi que la réunion des hauts fonctionnaires de l'APEC. Elle a également commenté dans des médias tels que le Wall Street Journal, le Washington Post, Time, Politico, la BBC, CSPAN, USA Today et le Los Angeles Times.

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Danielle Goldfarb

Danielle Goldfarb est conseillère et experte en économie numérique, données en temps réel, géopolitique, commerce et politiques publiques. Elle est agrégée supérieure au Centre for International Governance Innovation, conseillère en politiques publiques auprès de Mila (Institut québécois d’intelligence artificielle), agrégée mondiale au Woodrow Wilson Center du Canada Institute, membre du conseil d’administration de la Toronto Association for Business and Economics, et attachée de recherche distinguée à la Fondation Asie Pacifique du Canada. 

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