International collaboration represented by a handshake behind a digital globe

L’intendance du gouvernement se trouve à un moment charnière : Commentaire

Aujourd’hui, l’intendance du gouvernement se trouve à un moment charnière. Au lendemain de la pandémie, le monde est agité, incertain et, à bien des égards, sans précédent. Il y a une « nouvelle normalité » qui exige des approches — et l’urgence — pour tracer la voie de la réussite pour le Canada. L’approche que nous proposons est axée sur des stratégies visant à promouvoir la croissance économique, la technologie et la collaboration internationale : des domaines dans lesquels nous avons tous deux joué un rôle de premier plan au sein du gouvernement du Canada

Avec l'augmentation des taux d'intérêt et de la dette, le Canada voit la fin des mesures de relance budgétaire et monétaire faciles à appliquer, en l'absence de lignes directrices convenues d'un commun accord. L’inflation persiste. Le protectionnisme et l’initiative « Buy America » sont en hausse. Les technologies émergentes et les chaînes d'approvisionnement mondiales sont évaluées en termes d'alliances démocratiques ou autocratiques, la Chine et les États-Unis rivalisant ouvertement pour occuper la première place.  

L’expérience du COVID nous a appris l’importance de la préparation, mais la menace de nouvelles pandémies, de phénomènes météorologiques extrêmes et de menaces pour la santé et la sécurité alimentaire se profile à l’horizon. Le changement climatique ne cesse pas de démontrer à tous qu’il faut agir, et non parler. Mais cette action ne peut être efficace que si les gouvernements et les nations adoptent des approches communes. Le Canada est peut-être avant tout confronté à un problème de croissance. En effet, les prévisions montrent que le pays se situera au dernier rang des pays développés en termes de croissance du PIB par habitant au cours des trois prochaines décennies. Cette situation laisse présager une baisse du niveau de vie des Canadiens.

En cette période de turbulences, les gouvernements doivent agir en tant que catalyseurs du changement et donner des orientations aux citoyens qu'ils servent. Néanmoins, la capacité des gouvernements et de leurs fonctionnaires à mettre en place et à encadrer de nouveaux programmes et services est devenue plus difficile, malgré le succès initial obtenu en réponse au COVID. Les pratiques numériques fondées sur les données, de nouveaux outils puissants perfectionnés pendant la pandémie, ajoutent encore de nouvelles pressions dans la prestation, y compris pour les services sociaux et de santé de base traditionnels, qui sont déjà soumis à une pression immense.

Ces défis nationaux sont réels et sont aggravés par les incertitudes géopolitique découlant de la guerre en Ukraine et des tensions dans le détroit de Taïwan. En tant qu'anciens fonctionnaires, nous comprenons la valeur des approches stratégiques pour gérer l'incertitude. Ces approches sont fondées sur des principes compréhensibles et applicables, capables de résister aux changements Sur la base de notre expérience, nous proposons les principes opérationnels suivants comme guide pour aller de l'avant dans la nouvelle normalité.

Premièrement, la géopolitique d'aujourd'hui exige une réorientation vers l'identification des intérêts nationaux et de nouvelles relations régionales qui favorisent la protection de nos chaînes d'approvisionnement et le contrôle des nouvelles technologies. Le Canada ne peut pas tout faire à cet égard et doit se concentrer sur les domaines où il dispose d'un avantage concurrentiel. Nous pouvons nous appuyer sur nos avantages en matière de ressources naturelles, telles que l'agriculture et l'exploitation minière, ainsi que sur notre leadership dans les domaines des nouvelles technologies telles que l'intelligence artificielle (IA), les technologies quantiques, la biologie synthétique et les technologies propres. L'échelle est un facteur, car le Canada a besoin d'un plus grand nombre d'entreprises canadiennes d'envergure mondiale pour consolider sa position de chef de file. Si les alliances démocratiques sont importantes, il ne suffit pas de soutenir les États-Unis. La mise en œuvre d'une stratégie indo-pacifique efficace, qui privilégie la collaboration et l'engagement avec des partenaires ayant des vues similaires, devrait être la priorité.

Deuxièmement, dans le contexte actuel de protectionnisme mondial, le Canada doit continuer à s'appuyer sur sa tradition de soutien aux institutions multilatérales et au libre-échange par le biais de négociations et d'accords commerciaux tels que l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne et l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste. Pourtant, le pays doit faire preuve d'une plus grande fermeté pour créer et protéger ses propres chaînes d'approvisionnement et son leadership commercial. Cela passe par la réduction des barrières provinciales, la reconnaissance mutuelle des normes professionnelles et un marché intérieur plus efficace. Il faut également une gestion plus efficace de la propriété intellectuelle (PI) par les entreprises et les gouvernements afin de conserver les avantages technologiques au Canada, ainsi que la promotion de normes internationales harmonisées avec nos propres technologies canadiennes de pointe.

Troisièmement, les gouvernements et leurs fonctionnaires doivent être des collaborateurs agiles, qui regardent au-delà des départements dans une optique « pangouvernementale ». Cette approche constitue le meilleur moyen d'identifier des solutions dans la nouvelle normalité, avec des partenariats de collaboration entre les gouvernements, les entreprises et la société civile. Cela est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit d'aborder des questions complexes telles que le changement climatique et la diversification des échanges commerciaux. Les entreprises prennent l'initiative. Les gouvernements donnent les moyens d'agir. La société civile est la conscience. Les performances des fonctionnaires doivent être récompensées, avant tout, pour leur capacité à collaborer, à partager des informations, à intégrer des idées différentes, à aller à la rencontre des Canadiens et à mener des initiatives qui font progresser les résultats à grande échelle. Si, par le passé, nous avons observé de bons travaux de ce type, il est trop souvent plus facile de se tourner vers l'intérieur, vers des silos qui peuvent être directement contrôlés et gérés, mais qui, en fin de compte, provoquent des querelles entre les différents départements, les différents niveaux de gouvernement et d'autres.  

Quatrièmement, les gouvernements doivent trouver un meilleur équilibre entre les objectifs à court et à long terme du pays. Trop souvent, nous constatons que les politiques réactives sont la norme, sans que les implications à long terme soient pleinement prises en compte. Dans une crise mondiale comme la pandémie, il est tout à fait compréhensible de réagir, mais le Canada a maintenant besoin de politiques à court et à long terme pour assurer la croissance, le bien-être et la durabilité. Ce besoin est particulièrement évident lorsqu'il s'agit de résoudre le problème de la croissance au Canada. L'amélioration de la croissance de la productivité reste une priorité insaisissable. La productivité comporte de nombreux aspects, mais le Canada a devant lui trois domaines d'amélioration : la réforme de la réglementation pour que les projets puissent être construits rapidement et en toute sécurité ; une meilleure identification et livraison des infrastructures numériques et physiques stratégiques ; et une planification sectorielle plus efficace en collaboration entre le gouvernement et les entreprises, en vue d'atteindre la compétitivité mondiale et d'augmenter les exportations.

À la base de ces quatre principes se trouve le rôle du talent dans l'économie et la société canadiennes. Notre pays a de bons antécédents, mais aujourd'hui plus que jamais, il s'agit de veiller à ce que les technologies et les politiques profitent à tous les Canadiens de manière égale. Il s'agit de remporter la compétition mondiale pour attirer des immigrants qualifiés et d'aider les néo-Canadiens à entrer sur tous les marchés du travail. Il faut également maintenir et améliorer les compétences de la main-d'œuvre du pays à mesure que les nouvelles technologies et pratiques modifient le lieu de travail. On ne peut ignorer l'importance de tirer parti de la diversité et de l'inclusion des autochtones et des femmes entrepreneures sur le lieu de travail.

Il existe déjà des exemples d'application de ces principes opérationnels. Le Partenariat Mondial sur l'IA est l'un des meilleurs. Il soutient la recherche de pointe, les activités de l'IA appliquée et la mise en œuvre de normes éthiques en matière d'IA à l'échelle internationale. Il encourage le développement d'une nouvelle PI canadienne et de normes mondiales. Tous les gouvernements provinciaux ont joué un rôle important dans le soutien au leadership du Canada en matière d'IA, en particulier le Québec, l'Ontario et l'Alberta avec leurs instituts nationaux d'IA qui attirent et gardent les talents au Canada. De nouvelles entreprises d'IA émergent dans ce pays avec des applications ciblées mondiales dans des secteurs tels que la santé numérique et l'agriculture, où le Canada est considéré comme un chef de file.

Le Canada a besoin de plus d'initiatives qui alignent pleinement les investissements technologiques nationaux et les opportunités internationales. Les gouvernements peuvent catalyser les collaborations nationales et internationales. Ils peuvent encourager et protéger le développement de la nouvelle PI et des normes qui profitent au Canada en favorisant l'échelle des entreprises canadiennes.

Nous savons que les gouvernements et les fonctionnaires canadiens peuvent assurer une intendance de haut niveau à mesure que le Canada va de l'avant. Nous les avons vus à l'œuvre lors de la crise financière de 2008 et, plus récemment, face à la pandémie de la COVID-19. Nous sommes convaincus qu'ils peuvent relever le défi actuel et réussir.

Cet article a été initialement publié par le Hill Times le 3 avril 2023.

Stewart Beck

Stewart Beck est l'ancien président et chef de la direction de la Fondation Asie Pacifique du Canada et un diplomate de carrière canadien qui a servi en Chine, en Inde, à Taïwan et aux États-Unis. Il est actuellement attaché supérieur de recherche de la FAP Canada. 

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John Knubley

John Knubley est conseiller principal à Longview Communications et au Boston Consulting Group. Il a été sous-ministre canadien de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique et siège au conseil d'administration de la Fondation Asie-Pacifique du Canada. 

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