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Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique : analyse de notre réseau

Le 27 novembre, la ministre des Affaires étrangères du Canada, Mélanie Joly, a annoncé la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique (SIP) lors d’une conférence de presse à Vancouver. La SIP, attendue de longue date, identifie l’Indo-Pacifique comme la région la plus dynamique du monde et soutient que les intérêts nationaux du Canada nécessitent une approche globale de l’ensemble de la société. La SIP se compose de cinq objectifs stratégiques couvrant les priorités en matière de sécurité, d’économie, de société et d’environnement, et décrit les initiatives visant à faire du Canada un « partenaire actif et engagé » pour les États asiatiques.

En plus de ses objectifs, la SIP énonce l’approche du gouvernement Trudeau à l’égard de la Chine, du Pacifique Nord, de l’Inde et de l’ANASE. Notamment, le traitement de la Chine par la SIP est nettement plus rigoureux que l’approche passée du gouvernement. De même, l’accent mis par la SIP sur l’Asie du Sud-Est marque un réalignement géographique de l’engagement prioritaire du Canada en Asie.

Pour réaliser ses objectifs stratégiques, le gouvernement Trudeau a alloué 2,3 milliards de dollars canadiens au financement des initiatives. Ce financement est une preuve claire que le gouvernement fédéral est déterminé à mieux positionner le Canada en tant qu’acteur actif en Asie*.

Afin de donner un aperçu des forces et des faiblesses de la SIP, la Fondation Asie Pacifique du Canada (FAP Canada) a invité certains de nos membres émérites, ainsi que le vice-président de la recherche et de la stratégie de la Fondation, le Dr Jeff Reeves, à présenter leurs réflexions préliminaires. Plus précisément, la FAP Canada a demandé aux contributeurs de se pencher sur les questions suivantes :

  • Selon vous, la SIP permet-elle au Canada de travailler plus efficacement en Asie à court et moyen terme?
  • Quels aspects de la SIP trouvez-vous les plus convaincants?
  • Quels aspects de la SIP vous concernent?

* Dans un souci de transparence, il convient de noter que parmi les initiatives annoncées pour le financement dans le cadre de la Stratégie pour l’Indo-Pacifique, la FAP Canada doit recevoir 24,5 millions de dollars canadiens pour appuyer l’établissement d’une présence physique et de nouveaux programmes d’engagement dans la région.

Jeff Reeves, vice-président, Recherche et stratégie, Fondation Asie Pacifique du Canada

Jeff Reeves headshot

De mon point de vue, les vraies forces de la Stratégie résident dans ses initiatives. Si l’administration Trudeau est sérieuse au sujet de la promotion des intérêts canadiens en Asie, ce qui est clairement le cas, elle doit se concentrer davantage sur des programmes qui se traduisent par un plus grand maillage canadien dans l’ensemble de la région. Toute activité, tout projet et tout engagement qui mène à une nouvelle relation, que ce soit au niveau régional, étatique ou sous-étatique, a pour effet stratégique de renforcer le statut du Canada en Asie. Plus le Canada se concentre sur les résultats concrets plutôt que sur les idéologies stratégiques, plus il pourra développer des partenariats qui feront avancer ses intérêts nationaux et profiteront aux États asiatiques. La liste des initiatives identifiées par la Stratégie contribuera grandement à l’établissement de cette base pour l’engagement du Canada dans la région.

Je suis particulièrement impressionné par les initiatives liées au développement durable, aux liens interpersonnels et aux échanges universitaires, car elles sont tout à fait conformes aux priorités des habitants de la région.

Au sujet du développement durable, le Fonds océanique partagé et FinDev Canada contribueront à fournir le financement nécessaire pour lutter respectivement contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et pour l’infrastructure durable en Asie. L’établissement des priorités canadiennes de l’Indo-Pacifique dans l’Alliance : Énergiser au-delà du charbon mettra également le Canada dans une position pour fournir des conseils sur la transition de l’énergie du charbon vers des énergies propres. Le soutien aux micro, petites et moyennes entreprises canadiennes par l’intermédiaire de l’initiative faire progresser la démonstration internationale de technologies propres dans l’Indo-Pacifique est un autre moyen réfléchi de promouvoir les intérêts nationaux canadiens et de répondre à la demande régionale.

Pour ce qui est des liens interpersonnels, les initiatives visant à accélérer le traitement des visas et à faciliter les voyages rapporteront également des dividendes pour l’engagement du Canada dans la région. L’élargissement des bourses et programmes d’échanges éducationnels pour le développement Canada-ANASE menant à la résidence permanente accroîtra la visibilité et l’attrait du Canada en Asie en tant que destination potentielle d’études ou d’immigration. Pour ceux d’entre nous qui passent du temps en Asie, ces initiatives répondent au désir clair que l’on entend à maintes reprises d’avoir plus d’occasions de voyager, d’étudier ou d’immigrer au Canada.

En ce qui concerne les échanges universitaires, l’initiative d’engagement régional Indo-Pacifique de la Stratégie, une fois pleinement réalisée, permettra d’approfondir les liens du Canada avec les institutions, les universités, les groupes de réflexion et les centres de recherche asiatiques. Ces liens, à leur tour, offriront aux universitaires et aux chercheurs canadiens de meilleures possibilités pour s’engager en Asie et permettront aux chercheurs asiatiques de passer du temps au Canada, créant ainsi un réseau de connaissances Canada-Asie.

Là où les forces de cette Stratégie résident dans ses initiatives, ses faiblesses résident dans son cadre stratégique, en particulier en ce qui concerne la sécurité régionale et la Chine. Le Canada n’a que très peu à gagner en sécurisant certains aspects de son approche de l’Asie, surtout lorsqu’il le fait en coordination avec les États-Unis, et non en fonction de la demande provenant de l’intérieur de la région. La décision du Canada d’étendre son empreinte navale en Asie et son plan d’établissement d’une position diplomatique à Hawaï, à cet égard, sont moins liés au soutien de la sécurité des États asiatiques qu’à l’alignement du Canada avec les États occidentaux. On ne trouve aucune demande dans la région pour un rôle de sécurité plus solide du Canada en Asie. Au contraire, on trouve des inquiétudes répétées concernant la provocation américaine sur des questions allant de la Corée du Nord et de Taïwan à la mer de Chine méridionale. Le Canada ferait mieux de concentrer entièrement sa stratégie sur l’engagement non lié à la sécurité.

Il n’est pas non plus dans l’intérêt national du Canada d’identifier sa Stratégie pour l’Indo-Pacifique comme « inséparable » de son approche à l’égard de la Chine, qui, selon la Stratégie, est principalement contradictoire. Bien que les relations entre le Canada et la Chine soient effectivement problématiques, le choix de cette stratégie comme moment et lieu pour déclarer une position plus affirmée du Canada envers Beijing sape d’autres aspects plus positifs, car elle relègue tous les autres États asiatiques à un statut secondaire, ce qui n’est clairement pas l’objectif de la Stratégie. Le fait que la couverture médiatique canadienne et internationale de la Stratégie s’est jusqu’ici concentrée exclusivement sur sa composante Chine est une preuve que cette approche était contre-productive.

Dans l’ensemble, il y a beaucoup de bonnes choses dans cette Stratégie. De mon point de vue, elle est brillante lorsqu’elle se concentre sur ce que le Canada peut faire dans la région pour renforcer la capacité de l’État et relever le niveau de vie. Elle donne une mauvaise image d’elle-même lorsqu’elle tente de recréer d’autres stratégies Indo-Pacifique, en particulier celles des États-Unis, qui sont fondées sur la politique des grandes puissances et la nécessité de défier la Chine en Asie.

Bart Édes, professeur de pratique, Université McGill

Bart Edes headshot

La Stratégie pour l’Indo-Pacifique marque une étape importante dans la politique étrangère du Canada en renforçant la priorité de l’Asie et du Pacifique. L’une de ses principales forces est son approche globale, qui réunit les intérêts canadiens dans plusieurs domaines essentiels. La Stratégie soutient fermement l’ordre international fondé sur des règles et souligne l’importance des partenariats, comme la poursuite de la coopération avec le Japon en matière de développement par l’intermédiaire de la Banque asiatique de développement. Le Canada devrait aussi travailler plus étroitement avec les autres parties prenantes des banques pour exploiter la grande capacité des institutions à mobiliser des financements substantiels pour les infrastructures.

La Stratégie stipule que le Canada accordera une attention particulière au renforcement des capacités de collaboration avec plusieurs pays, y compris en Asie du Sud-Est. Il s’agit d’une approche raisonnable, dans la mesure où l’ANASE deviendra bientôt la quatrième économie mondiale et possède une grande importance géopolitique. Grâce à l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) et à un accord de libre-échange entre le Canada et l’ANASE prévu, les entreprises canadiennes peuvent de plus en plus utiliser l’ANASE comme plateforme pour pénétrer l’énorme marché chinois.

Le débat fera rage quant à savoir si les bonnes approches ont été adoptées vis-à-vis de la Chine, que la Stratégie décrit comme une « puissance perturbatrice » qui ne respecte pas les règles internationales. Pourtant, la Stratégie reconnaît également que l’implication du géant asiatique est indispensable pour résoudre les grands défis mondiaux. Les éléments bellicistes de la Stratégie sont bien accueillis à Washington, mais pourraient compliquer davantage les relations aigres entre Ottawa et la Chine.

La véritable mesure du succès de la Stratégie sera sa mise en œuvre efficace et la coordination avec d’autres initiatives et politiques fédérales (comme la Politique d’aide internationale féministe). Les secteurs public et privé du Canada ont de plus en plus ciblé l’Asie pour le commerce bilatéral et l’investissement direct, mais avec seulement des gains modestes à ce jour. Ainsi, le projet d’ouvrir un bureau pour accroître les exportations agricoles et agroalimentaires canadiennes vers l’Asie est un investissement judicieux.

Étant donné ses ambitions et son orientation régionale, la Stratégie est clairement sous-financée. Par exemple, les 750 millions de dollars canadiens alloués à FinDev Canada pour accroître sa capacité de prêt en Asie sont louables, mais trop modestes étant donné le rôle du Canada dans le Partenariat du G7 pour les infrastructures mondiales et l’investissement, et le coup de pouce massif de capitaux fourni par les États-Unis à sa propre version de FinDev.

En résumé, la Stratégie pour l’Indo-Pacifique représente un repositionnement approprié des priorités du Canada en matière de politique étrangère. L’avenir du pays sera de plus en plus lié à l’engagement international depuis sa côte du Pacifique. Ottawa doit maintenant donner suite aux plans spécifiques énoncés dans la Stratégie, mobiliser le soutien national et prouver aux publics sceptiques des pays d’Asie et du Pacifique que le Canada est sérieux quant à la réalisation de sa vision du Pacifique.

Danielle Goldfarb, vice-présidente, Affaires mondiales, économie et politique publique, RIWI (Real-Time Interactive Worldwide Intelligence)

Danielle Goldfarb headshot

La chose la plus importante à propos de la Stratégie pour l’Indo-Pacifique est qu’elle fournit une orientation en matière de politique étrangère et commerciale. Le public canadien, le secteur privé, la fonction publique et d’autres pays savent que le gouvernement donne la priorité à une liste d’activités précises pour promouvoir un engagement plus profond avec les pays de la région. Le fait que la Stratégie offre des conseils et du financement dans de nombreux domaines, notamment le climat, le commerce et l’investissement, et la sécurité, est également une bonne nouvelle.

En tant que démocratie dotée d’une petite économie ouverte, le Canada dépend des marchés mondiaux pour améliorer le niveau de vie de ses citoyens et a également un intérêt marqué pour un ordre international stable et fondé sur des règles. Un engagement plus profond avec les économies à croissance plus rapide de l’Indo-Pacifique est logique. Il en va de même pour la série d’actions du document visant à défendre et à faire progresser l’ordre international fondé sur des règles.

Le véritable enjeu sera de faire avancer ces impératifs de longue date face aux réalités géopolitiques et géographiques. La Chine est une puissance mondiale qui ne respecte pas les règles dans lesquelles le Canada a un intérêt profond. Alors que les premières années du mandat du premier ministre Trudeau se sont concentrées sur la poursuite d’un accord de libre-échange entre le Canada et la Chine, l’emprisonnement des « deux Michaels » a clairement indiqué que le pays avait besoin d’une approche plus nuancée. La Stratégie prévoit des investissements pour approfondir la compréhension par les diplomates de la manière dont fonctionne la Chine, afin d’accroître la présence du Canada dans d’autres régions de la région et de faire progresser les accords mondiaux et régionaux. Il n’est pas clair si cela suffit pour faire avancer les intérêts canadiens, mais ces mesures font avancer le Canada dans la bonne direction.

L’autre réalité, non mentionnée dans le document, est que le Canada partage une frontière avec la plus grande économie du monde. Bien que la Stratégie parle de diversification au-delà de la Chine, la réalité est que les entreprises canadiennes font la plupart de leurs affaires avec les États-Unis. Des générations de décideurs politiques ont tenté et échoué à élargir de manière significative le commerce du Canada au-delà du marché américain. Une orientation vers l’Indo-Pacifique ne sera donc pas facile.

La Stratégie devrait approfondir l’économie mondiale du numérique et des services. De nombreuses références à la croissance du commerce des produits agricoles et des ressources existent, mais il y a seulement une brève mention de la possibilité d’échanger des services, y compris numériques, dans la région. Une valeur significative provient de choses plus difficiles à voir et à mesurer : idées, données, recherche et expertise. Le Canada a ici un avantage majeur : les relations personnelles. Un Canadien sur cinq a des racines dans la région. Bien que la Stratégie décrit de nombreuses activités visant à renforcer et à élargir ces liens, ceux-ci pourraient être plus explicitement liés à l’exploitation de ces possibilités. À cet égard, la Stratégie devrait faire davantage pour placer le Canada à l’avant-garde des règles de l’économie numérique, y compris s’assurer que les données des flux commerciaux puissent circuler librement tout en respectant la sécurité et la protection des renseignements personnels.

En bref, bien que la voie à suivre ne soit pas facile, le Canada a maintenant un plan visant à protéger et à faire avancer les intérêts canadiens.

Stéphanie Martel, professeure adjointe en études politiques, Université Queen’s

Stephanie Martel headshot

La SIP est un document impressionnant et complet qui aborde un large éventail de domaines problématiques et qui décrit une direction beaucoup plus claire pour notre engagement avec diverses sous-régions et divers partenaires, avec des ressources correspondantes. Il comprend plusieurs initiatives prometteuses et créatives qui permettront de renforcer la visibilité du Canada dans la région. Néanmoins, certaines composantes de la Stratégie conduiront probablement à certains revers, qui n’ont peut-être pas été pleinement anticipés. Cela tient moins à la nature des initiatives annoncées qu’au cadre général de la Stratégie, et à l’équilibre qu’elle entend trouver entre les aspects conflictuels et coopératifs, notamment vis-à-vis de la Chine.

La Stratégie donne de meilleurs résultats lorsqu’elle décrit des initiatives de coopération précises, ciblées et créatives qui renvoient à ses objectifs clés et aux principes généraux qui sous-tendent la politique étrangère du Canada, tout en répondant à la demande régionale. Celles-ci comprennent, entre autres, la création d’un bureau régional pour la Fondation Asie Pacifique du Canada, le soutien à la participation d’experts canadiens aux dialogues sur les politiques (bien que la nature de ce soutien doive être clarifiée), le développement de collaborations entre les organisations canadiennes et régionales de la société civile, des initiatives de gestion des océans axées sur la pêche INN et la pollution plastique, ainsi que l’expansion du programme de bourses. L’accent mis sur la promotion des programmes consacrés aux femmes, à la paix et à la sécurité (FPS) dans la région, tout en considérant les partenaires de l’Asie du Sud-Est, est également prometteur, même si je m’attendais à plus de mesures substantielles sur ce point. L’ANASE vient de publier un Plan d’action régional FPS, donc le moment choisi par Ottawa est assez bon et opportun pour tenir compte des sensibilités régionales qui surviennent inévitablement lorsque les États occidentaux promeuvent des initiatives libérales de « sécurité humaine ».

Le Canada semble effectivement avoir fermé la porte, à court ou moyen terme, sur la possibilité que la Chine puisse agir comme un acteur constructif sur la scène mondiale, tout en déclarant que la coopération avec Beijing dans des domaines importants comme le changement climatique, n’est pas seulement possible, mais nécessaire. Le passage à un ton plus conflictuel à l’égard de la Chine, bien qu’enraciné dans des préoccupations légitimes concernant le comportement de Beijing, fournit également une justification pratique pour allouer toutes ces ressources à une région qui semble si éloignée pour de nombreux Canadiens. Mais cela crée également des tensions importantes avec les aspects coopératifs de la Stratégie. Présenter la Chine comme une « menace pour la sécurité » correspond certainement au point de vue de Washington, mais il n’est pas aussi clair que le suggère Ottawa que tous nos partenaires les plus proches partagent cette opinion, du moins dans cette mesure. Cette position va compliquer les tentatives du Canada de renverser la perception des milieux politiques de la région que le Canada n’est rien d’autre qu’un « mini-États-Unis » et de convaincre l’ANASE, en particulier, que « plus de Canada » est en fait nécessaire dans les grands forums, étant donné le penchant de l’ANASE pour une approche non conflictuelle et inclusive des affaires régionales. Je ne sais pas comment Ottawa pourra maintenir cet équilibre délicat.

Hugh Stephens, directeur, Connexions transpacifiques

Hugh Stephens headshot

La Stratégie est le premier plan global pluriannuel, budgétisé et financé pour un engagement à l’échelle du pays avec la région élargie que je connais, et elle est la bienvenue. Elle est complète et traite de tous les domaines d’engagement sectoriels clés, de la sécurité à l’économie, en passant par les relations interpersonnelles, le changement climatique et la présence institutionnelle, ainsi que la réorientation géographique vers l’Asie du Sud-Est et du Sud, tout en maintenant des liens étroits avec les principales économies du Pacifique Nord, telles que le Japon, la Corée et Taïwan.

Elle réévalue les relations importantes que le Canada entretient avec la Chine, en établissant des paramètres d’engagement tout en reconnaissant le rôle essentiel que la Chine continuera de jouer dans la région. Pour moi, ce qui est important, c’est que, bien que la Stratégie fournisse d’importantes ressources supplémentaires pour les activités et les échanges dans la région, y compris une présence physique accrue, elle reconnaît également la nécessité d’un financement supplémentaire pour les activités nationales liées aux questions d’engagement du Canada dans la région. Ces mesures comprennent des mesures défensives comme la cybersécurité, la lutte contre l’ingérence étrangère et les activités hostiles sur le sol canadien, une vigilance accrue contre le terrorisme et un examen plus approfondi des investissements étrangers, mais aussi des mesures proactives comme l’encouragement de l’engagement des Canadiens dans la région par le biais des activités de la voie 2, du partage d’expertise et des échanges éducatifs. La Stratégie permettra de relever les attentes dans la région. La clé sera la délivrance. Nous avons déjà proclamé un rôle dans la région, même si ce n’est pas dans cette mesure et avec ce degré d’engagement financier et apparent en matière de politique, et nous ne pouvons pas permettre que cela devienne un exercice épisodique de plus là où nous ne délivrons pas.

Les éléments les plus convaincants de la Stratégie sont sa reconnaissance de la nécessité d’une approche intégrée du Canada à l’égard de la région et l’engagement important de financement pluriannuel qui lui est alloué. Dans le passé, nous avons eu des initiatives de promotion du commerce, de sécurité traditionnelle ou d’aide au développement, mais il n’y a jamais eu d’approche « pangouvernementale », en fait plutôt une approche « pannationale » (car nombre de ces activités ne relèvent pas de la compétence directe des ministères). Ce qui est également important, c’est la reconnaissance des dimensions de la paix et de la sécurité qui doivent sous-tendre toute approche économique, d’aide au développement ou interpersonnelle. J’apprécie également la reconnaissance du rôle que les Canadiens, les experts et les institutions peuvent jouer dans l’établissement de têtes de pont et la construction de ponts. J’ai hâte d’en apprendre davantage sur l’initiative d’engagement régional. Enfin, la reconnaissance de la nécessité d’une « présence sur le terrain » est importante, menant à la création d’un nouveau bureau de la FAP Canada dans la région (Singapour étant le lieu actuellement prévu) pour jouer le rôle de porte commerciale régionale et fournir des ressources diplomatiques supplémentaires dans la région.

Bien que la Stratégie énonce un large éventail d’engagements et d’activités, ce qui sera important est l’exécution et la responsabilisation. À l’heure actuelle, de nombreux détails de la Stratégie font défaut. Il faudra inévitablement du temps pour que la Stratégie commence à porter des fruits, et il est essentiel que les mécanismes de mise en œuvre soient mis en place le plus rapidement possible. On devrait pouvoir espérer une « récolte précoce » dans certains domaines. Par exemple, bien que l’Initiative d’engagement régional, grâce à laquelle « un large éventail de dirigeants de secteur, d’experts en la matière, d’universitaires et de groupes de la société civile du Canada seront en mesure de bâtir de nouveaux réseaux dans l’Indo-Pacifique, de renforcer la voix canadienne sur les questions prioritaires et de créer des partenariats au nom du Canada » soit la bienvenue, il n’existe pas d’information sur l’allocation du financement, les moyens de prestation, les secteurs prioritaires ou toute autre information concrète qui permettrait aux groupes désignés de commencer à se préparer à accéder au programme.

Compte tenu de la vaste portée de la Stratégie, il est également impératif que les résultats soient identifiés, suivis et communiqués de manière intégrée et globale. Les objectifs devraient être identifiés et les résultats mesurés par rapport à ces objectifs chaque année et pendant toute la durée de la Stratégie. Cela pourrait être l’un des domaines de responsabilité du nouvel envoyé spécial de la Stratégie pour l’Indo-Pacifique, qui doit être nommé. Il est surprenant que ce poste n’ait pas été pourvu et que personne ne soit prêt à commencer la mise en œuvre le jour de la publication de la Stratégie.

Sharon Zhengyang Sun, économiste en politique commerciale, Canada West Foundation

Sharon Sun headshot

Pour un pays où le commerce représente 60,9 % de son PIB, l’engagement d’accroître la présence, l’investissement et la compréhension dans la région économique à la croissance la plus rapide au monde est un bon et nécessaire départ pour la Stratégie pour l’Indo-Pacifique tant attendue du Canada. Bien qu’il soit important d’attendre et de voir comment la mise en œuvre se déroulera, la Stratégie comporte des aspects convaincants et prometteurs. Parmi ceux-ci :

  1. Accroître la présence et la compréhension dans la région grâce à de nouvelles portes commerciales et de nouveaux bureaux, comme les nouvelles missions d’Équipe Canada et la Porte commerciale canadienne en Asie du Sud-Est.
  2. Identifier clairement et renforcer les liens économiques avec les alliés existants dans la région.
  3. Reconnaître la nécessité de développer une meilleure infrastructure commerciale au Canada avec certains engagements, comme le Fonds national des corridors commerciaux.
  4. Rester en dialogue avec la Chine et s’engager économiquement avec les yeux grands ouverts. Plus important encore, il n’y a pas de langage explicite de découplage de la Chine.

Maintenir le dialogue est très différent d’avoir un engagement actif. Maintenir le dialogue avec la Chine suffit à peine à gérer les relations avec notre deuxième plus grand partenaire commercial. L’engagement d’accroître les compétences et la compréhension canadiennes de la Chine à tous les niveaux (gouvernement, industrie, milieu universitaire) est de la plus haute importance pour la survie du Canada dans un monde où la Chine est le plus grand partenaire commercial et économique du monde. Bien que la Stratégie l’ait clairement identifié, elle n’alloue aucun investissement ni aucune ressource à la Chine. Aucune mention explicite de la Chine n’est faite dans le cadre des nouvelles missions commerciales d’Équipe Canada, contrairement à l’Inde, l’ANASE, le Japon et la Corée du Sud. Il n’y a pas non plus d’augmentation de la capacité de traitement des visas pour les permis d’études ou de renouvellement des permis d’étudiant pour la Chine, comme c’est le cas pour l’Inde, le Pakistan et les Philippines. Cela indique que, malgré l’absence de langage de découplage, le Canada ne cherche pas à étendre ses relations avec la Chine ni à accroître les échanges commerciaux sur le marché chinois. Au lieu de cela, l’accent est mis sur la collaboration avec les entreprises pour se diversifier à l’intérieur et au-delà de la Chine.

En tant que petit pays dépendant du commerce et disposant de ressources limitées, la mentalité de diversification « ne pas avoir tous ses œufs dans le même panier » est logique. Pourtant, malgré les efforts de diversification hors des États-Unis, le pays demeure notre plus important partenaire commercial, représentant 62 % du commerce bilatéral total du Canada. En tant qu’hégémonie mondiale en pleine croissance qui est le plus grand partenaire commercial et investisseur en Asie du Sud, de l’Est et du Pacifique, ainsi qu’en Amérique du Nord, au Moyen-Orient et en Afrique, la Chine est enracinée. Sans un investissement explicite et réel en temps et en ressources à tous les niveaux de la Chine, nous prendrons du retard sur nos alliés, qui sont également nos concurrents en Chine et dans la région.

De plus, ce qui s’applique à la Chine dans la Stratégie pour l’Indo-Pacifique devrait s’appliquer à d’autres pays d’Asie du Sud-Est. Les questions des droits de la personne, du travail forcé, des entreprises publiques et des pratiques commerciales déloyales existent dans ces pays asiatiques que la SIP a identifiés comme des partenaires essentiels. Pourtant, il n’y a eu aucune discussion sur ces questions ni sur la manière de les gérer avec l’Inde, les Philippines ou le Myanmar, pour n’en nommer que quelques-uns. L’interdiction des légumineuses canadiennes par l’Inde en 2017 a eu des répercussions similaires, sinon pires, à celles de l’interdiction du canola par la Chine, et ces problèmes persistent aujourd’hui. Les négociations de l’accord de libre-échange avec l’Indonésie sur le traitement des normes du travail montrent également la difficulté et la réalité de s’engager sur ces questions dans la région. Le Canada doit aborder les pays d’Asie du Sud-Est dans une évaluation tout aussi réaliste et lucide qu’il l’a fait avec la Chine.

Enfin, l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) n’a pas été cité dans la Stratégie pour l’Indo-Pacifique comme un outil clé pour encourager les nouvelles économies régionales à participer. Le PTPGP est l’« étalon de référence », l’accord le plus complet de la région Indo-Pacifique, et dont le Canada fait partie. Le PTPGP donne aux entreprises canadiennes tout ce que veulent les entreprises américaines, mais qu’elles n’auront pas. Il s’agit de mesures tarifaires et non tarifaires réelles, ratifiées et mises en œuvre; des normes élevées en matière de travail et d’environnement, avec de grandes économies dans la région. La Stratégie devrait donner la priorité au PTPGP comme outil proactif pour encourager les non-membres de la région à se joindre à eux.

Jeffrey Reeves

Dr. Jeffrey Reeves is the former Vice-President of Research & Strategy for the Asia Pacific Foundation of Canada. Prior to joining APF Canada, Dr. Reeves was the Director of Asian Studies at the United States Army War College in Carlisle, Pennsylvania. Dr. Reeves has over 15 years direct experience living and working in Asia, including as an Associate Professor with the Daniel K. Inouye Asia Pacific Center for Security Studies in the United States, as a Research Fellow with Griffith University in Australia, and as a University Instructor at Peking University in the People’s Republic of China.

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Bart W. Édes

Bart Édes est analyste des politiques, commentateur et auteur de Learning From Tomorrow: Using Strategic Foresight to Prepare for the Next Big Disruption (2021). Membre émérite de la FAP Canada, il s'intéresse aux économies asiatiques en développement, au développement international, au commerce et aux investissements transfrontaliers, à l'innovation, aux politiques sociales et aux tendances porteuses de changement qui remodèlent le monde.

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Danielle Goldfarb

Danielle Goldfarb est conseillère et experte en économie numérique, données en temps réel, géopolitique, commerce et politiques publiques. Elle est agrégée supérieure au Centre for International Governance Innovation, conseillère en politiques publiques auprès de Mila (Institut québécois d’intelligence artificielle), agrégée mondiale au Woodrow Wilson Center du Canada Institute, membre du conseil d’administration de la Toronto Association for Business and Economics, et attachée de recherche distinguée à la Fondation Asie Pacifique du Canada. 

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Stéphanie Martel

Dr. Stéphanie Martel is an Assistant Professor of Political Studies at Queen’s University and a Fellow (and Member of the Board) at the Centre for International and Defence Policy. Her research at the intersection of international security and global governance focuses on multilateral diplomacy, security regionalism, and the role of discourse in the social construction of world politics, particularly in Southeast Asia and the Asia Pacific.

Dr. Martel serves as a Canadian representative to the ASEAN Regional Forum’s Experts and Eminent Persons Group and is Team Co-Lead (Asia Pacific) within the Defence and Security Foresight Group. She also serves on the Board of the Canadian Council for Southeast Asian Studies, is a member of the Network for Strategic Analysis and Women in International Security (WIIS) Canada, and is a Distinguished Fellow with the Asia Pacific Foundation of Canada.

Hugh Stephens

Il est actuellement vice-président du comité canadien pour la coopération économique dans le Pacifique (Canadian Committee on Pacific Economic Cooperation, CANCPEC),  membre de la direction de la faculté de politique publique de l’Université de Calgary, directeur de TransPacific Connections et attaché supérieur de recherche distingué de la Fondation Asie-Pacifique du Canada. En outre, il enseigne dans le cadre du programme MBA de la Royal Roads University en tant que membre associé du corps professoral.

Avant de revenir au Canada en décembre 2009, Hugh a occupé pendant près de dix ans le poste de vice-président principal (politique publique) pour l’Asie-Pacifique chez Time Warner, au siège régional de l’entreprise à Hong Kong.

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Sharon Zhengyang Sun

Sharon Zhengyang Sun is the Trade Policy Economist at the Canada West Foundation in Calgary, Alberta. She specializes in research on international trade policy and the Asia Pacific. She has a long-standing research interest in China-Canada commercial relations and China’s free trade agreement behaviours and effectiveness. Her broader interest focuses on the impact of free trade agreements in the Asia Pacific region on trade and trade infrastructure.

Ms. Sun is a Ph.D. candidate at the Norman Paterson School of International Affairs, Carleton University, and a Distinguished Fellow with the Asia Pacific Foundation of Canada. Prior to joining Canada West Foundation, she was an associate researcher with the Centre for Trade Policy and Law and an instructor at the Sprott School of Business, Carleton University.