Takaichi Sanae confirmée comme première femme à occuper le poste de première ministre du Japon

Liberal Democratic Party (LDP) President Sanae Takaichi
Acclamation de Sanae Takaichi, présidente du Parti libéral-démocrate (PLD), suite à son investiture comme nouvelle première ministre par les législateurs de la chambre basse de la Diète, le 21 octobre 2025 à Tokyo, Japon. Photo : Tomohiro Ohsumi/Getty Images

À retenir :

Le 21 octobre, la Diète japonaise, parlement du pays, a élu la conservatrice puriste Takaichi Sanae comme première femme à occuper ce poste dans son pays, suite à sa victoire dans la course à la chefferie du Parti libéral-démocrate (PLD)  plus tôt ce mois-ci. Son ascension marque un tournant historique dans un pays où les femmes ne détiennent que 16% des sièges à la Diète. La journée précédant la victoire de Takaichi, le PLD et le parti Ishin no Kai, parti conservateur de centre-droit japonais de l'innovation, ont signé un accord de coalition, traçant la voie à Takaichi pour le pouvoir 

L’accession au pouvoir de Takaichi annonce un tournant vers la droite sur la scène politique japonaise. L’affaiblissement du PLD par des pertes électorales, des scandales répétés et une dépendance à une coalition fragile rend la gouvernance sous sa chefferie particulièrement difficile.

En bref : 

  • Takaichi a gagné par une majorité simple dans les deux chambres du Parlement. 237 voix sur 465 dans la chambre basse et 125 sur 248 dans la chambre haute. Son parcours vers le poste de première ministre a été semé de doutes, notamment lorsque le parti centriste Komeito a mis fin à sa coalition de 26 ans avec le PLD avant le vote parlementaire. 

     
  • L’accord de coalition  entre le PLD et Ishin reflète les exigences d’Ishin, notamment la révision constitutionnelle (en particulier l’article 9, qui renonce à la guerre et interdit au Japon de maintenir des forces armées traditionnelles), l’adoption d’une loi contre l’espionnage, ainsi que des restrictions plus strictes sur l’acquisition de terres par des étrangers. 

     
  • Les choix du cabinet de Takaichi jusqu’à présent suggère qui’elle essaie de trouver un équilibre entre loyauté à la faction de l’ancien premier ministre Abe Shinwo, sa base clé pour le pouvoir, et plus large l’unité du parti. Plusieurs de ses principaux nominés sont alignés avec le clan droit du PLD. Par exemple, Katayama Satsuki, la nouvelle ministre des Finances, est reconnue pour son approche pragmatique bien que conservatrice en matière fiscale, ce qui complète les instincts expansionnistes de Takaichi. Koizumi Shinjiro, ancien adversaire de Takaichi dans la course à la chefferie du parti et ancien ministre de l’Agriculture, a été nommé ministre de la Défense. Akazawa Ryosei, qui était chef négociateur sur les tarifs américains sous les anciennes administrations, a pris le ministère du Commerce, signalant une continuité des politiques en relations économiques extérieures du Japon. 
     

Implications :

Sur le plan interne, le leadership de takaichi suggère un recul pour le conservatisme face aux faiblesses du PLD. Face aux défaites électorales successives, le parti a choisi les références durement conservatrices de Takaichi pour empêcher une défection de ses partisans vers le parti d’extrême droite Sanseito. Toutefois, le résultat de ce mouvement a fracturé la coalition centriste d’autrefois.

La nouvelle coalition PLD–Ishin accorde à Takaichi une législature plus stable, mais pas suffisamment pour obtenir une majorité à la Diète. Ishin partage «plusieurs avis commun » avec le PLD, notamment sur la sécurité nationale et la déréglementation. Les deux partis défendent une augmentation substantielle des dépenses en défense pour atteindre l’objectif du Japon, fixé à 2% du PIB d’ici la fin des années 2020. Ils maintiennent également une posture sécuritaire plus affirmée en pleine montée des tensions régionales, incluant une contingence potentielle à Taïwan ainsi que le programme de missiles de la Corée du Nord. Le renforcement de l’alliance américano-japonaise et l’expansion des capacités japonaises en matière de défense devraient rester des priorités majeures sous Takaichi.

Cependant, la stabilité de la coalition demeure incertaine, puisque Ishin n’a pour l’instant pas reçu d’affectations ministérielles dans le cabinet de Takaichi. De plus, si la sécurité nationale constitue l’élément fédérateur de cette coalition, persiste un certain nombre de  points de friction, notamment autour des exigences d’Ishin pour réduire le nombre de sièges à la Diète et durcir les règles de gouvernance. Si Ishin estime que ses demandes ne sont pas adéquatement prises en compte, le parti pourrait quitter  la coalition. 

Sur la politique étrangère, Takaichi devrait maintenir l’orientation diplomatique actuelle du Japon, favorable aux États-Unis et à une région indo-Pacifique proactive. Elle s’aligne avec l’ère Abe-Kishida concernant la stratégie pour un Indo-Pacifique libre et les partenariats « minilatéraux » tels que le Quad.

Les relations avec la Chine, cependant, nécessitent une gestion délicate. Beijing a réagi prudemment à l’annonce de la nomination de Takaichi comme première ministre, appelant Tokyo à « honorer ses engagements politiques » sur les questions relatives à Taïwan, en référence aux excuses du Japon pour les agressions en temps de guerre et à son adhésion à la politique d’une seule Chine. La visite de Takaichi à Taïwan en avril dernier, lors de sa rencontre avec le président Lai Ching-te, a renforcé la méfiance chinoise. 

Par ailleurs, la Corée du Sud a exprimé son ouverture à la poursuite du « partenariat bilatéral coopératif » entre les deux pays, malgré des inquiétudes sur les inclinaisons nationalistes de Takaichi. Takaichi s’est abstenue de visiter le sanctuaire controversé de Yasukuni avant les sommets à venir, un geste perçu comme une marque de retenue

Ce qui s'ensuit : 

1. Le sommet États-Unis-Japon mettra à l’épreuve le leadership de Takaichi

U.S. President Donald Trump’s upcoming visit to Tokyo in late October will be Takaichi’s first major diplomatic engagement. Analysts expect she will push for a comprehensive security agenda beyond trade, given her pro-defence stance. This could include deeper U.S.–Japan military co-operation and discussions about burden-sharing, leveraging her commitment to increasing defence spending. 

She is also expected to continue cultivating like-minded partnerships through frameworks such as the Quad, reinforcing Japan’s current approach to the Indo-Pacific. In late October, she will represent Japan at the Association of Southeast Asian Nations summit in Malaysia and the Asia-Pacific Economic Cooperation summit in South Korea, where she may indicate her priorities on regional economic and security issues.

La visite prochaine du président américain Donald Trump à Tokyo, fin octobre, constituera le premier engagement diplomatique majeur de Takaichi. Les analystes s’attendent à ce qu’elle œuvre pour un agenda sécuritaire global, au-delà du commerce, lui accordant un rôle prééminent en matière de défense. Cela pourrait inclure des discussions approfondies et une coopération militaire renforcée entre les États-Unis et le Japon concernant le partage des charges, s’appuyant sur son engagement en faveur de l’augmentation des dépenses en défense. 

Elle devrait également poursuivre le développement des partenariats fondés sur des valeurs communes, à travers des cadres tels que le Quad, renforçant l’approche japonaise actuelle envers l’Indo-Pacifique. Fin octobre, elle représentera le Japon au sommet de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est en Malaisie et au sommet de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique en Corée du Sud, où elle pourrait présenter ses priorités en matière économique et de sécurité régionale.

2. Relations Canada-Japon : intérêts communs

Les liens entre le Japon et le Canada devraient rester solides sous Takaichi. Le Japon est le quatrième partenaire commercial pour les marchandises du Canada, et tous deux jouent un rôle clé dans l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). Ils partagent aussi un engagement envers un ordre fondé sur des règles dans la région indo-pacifique.

Le gouvernement de Takaichi devrait maintenir l’élan dans des secteurs comme l’énergie, les technologies et la sécurité. Le Japon considère le Canada comme un fournisseur alternatif de produits provenant du Moyen-Orient et de la Russie, notamment le GNL, le pétrole, ainsi que des minéraux critiques tels que le lithium et les terres rares. Des projets conjoints en énergie et ressources propres (p. ex. hydrogène, lithium, terres rares) sont en cours de discussion à la chambre de commerce canadienne au Japon.

Takaichi a nommé Iida Yuji, ancien ministre de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie, comme secrétaire exécutif aux affaires politiques, chargé des volets politiques et administratifs du cabinet. Connu pour ses efforts en matière de décarbonisation sous l’ancien premier ministre Kishida Fumio, Iida pourrait ainsi favoriser l’alignement des agendas climatiques et technologiques d’Ottawa et Tokyo.

Une rencontre bilatérale entre Takaichi et le premier ministre canadien Mark Carney aura probablement lieu durant le prochain sommet de l’APEC en Corée du Sud. Les échanges pourraient porter sur la sécurité des chaînes d’approvisionnement, les technologies vertes, ainsi que sur la gouvernance de l’intelligence artificielle, débouchant potentiellement sur de nouvelles initiatives bilatérales.
 

• Édité par Vina Nadjibulla, vice-présidente de la recherche et de la stratégie, Erin Williams, gestionnaire principale de programme, et Ted Fraser, rédacteur en chef à FAP Canada.

Sun Ryung Park

Sun Ryung Park Ph.d. est chercheuse-boursière principale, Asie du Nord-Est, à la Fondation Asie-Pacifique du Canada. Elle s'intéresse à la transition écologique, à la sécurité énergétique et à la transformation numérique dans la région Asie-Pacifique.

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Mei Terasawa

Mei Terasawa est coordonnatrice de projet à la Fondation Asie Pacifique du Canada, aide au programme de développement des jeunes professionnels Canada-Asie et au programme des jeunes leaders indo-pacifiques. Mei a un diplôme en relations internationales de l'Université de la Colombie-Britannique.

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